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discussions intempestives, les prélats opposans ne répondirent point. Quelques paroles échappées au président, et qu’aucun d’eux ne releva, quoiqu’ils en eussent tous fait leur profit, ajoutaient alors à leur confiance. Pendant que l’archevêque de Tours et l’évêque de Nantes se lamentaient sur la tournure qu’avaient prise les débats, le cardinal, au fond bien disposé pour Pie VII s’était laissé aller à dire à ses voisins : « Après tout, si le concile devait durer, on pourrait peut-être risquer la gageure et hasarder la demande de la députation au pape sans décret préalable[1]. » Aux yeux des membres de la majorité, il résultait des quelques mots prononcés par l’oncle de l’empereur que cette dissolution du concile, dont Fesch les menaçait sans cesse, n’était pas si fortement arrêtée dans la pensée de son neveu. Dissoudre brusquement une assemblée de prélats convoqués avec tant de solennité, ne serait-ce point de la part du chef de l’état déclarer à l’univers entier que les évêques de son empire n’avaient point voulu se plier à ses volontés ? Jamais l’empereur ne voudrait se faire un pareil tort à lui-même. A tout prendre, les pères du concile, si on les dispersait violemment, n’en auraient pas moins, autant qu’il dépendait d’eux, « sauvé les droits du pape, empêché le schisme, et s’en retourneraient dans leurs diocèses après avoir bien mérité, par leur fermeté, de la religion et de la patrie. » Ces réflexions, que nous trouvons dans le journal de M. de Broglie, avaient donné courage aux plus timides. Sur la seconde proposition de l’évêque de Nantes, les huit évêques opposans continuèrent donc à se tenir très fermes. « Les ruses de Nantes, poursuit l’évêque de Gand, les brusqueries de Tours et les décisions tranchantes de Fesch ne purent jamais réussir à nous faire quitter notre poste[2]. »

Cependant rien n’avait été épargné pour rompre l’accord entre les membres de la majorité de la commission. À un certain, moment, le cardinal Fesch, reproduisant une idée qu’il avait déjà mise plusieurs fois en avant, s’écria : « Pourquoi ne pas nous en tenir à ce qui a été proposé en 1810 par le comité ecclésiastique ? Aucun de nous, je pense, ne saurait y voir de difficulté. » M. de Broglie répondit que jamais il ne mettrait sa signature au bas d’un rapport qu’il était bien loin d’approuver. Hors le président du concile et les trois évêques qui avaient travaillé à la rédaction de ce document, tous les autres membres de la commission opinèrent dans le même sens, ce qui fit dire à f archevêque de Tours :

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.
  2. Ibid.