Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concours du souverain pontife. Chacun comprit que cette déclaration partait de plus haut. Elle ajoutait encore à l’importance de la décision qu’allait, prendre enfin la commission du message.

À l’ouverture de la troisième séance, le cardinal Fesch donna lecture d’une lettre qui lui avait été adressée par le ministre des cultes. M. Bigot, au nom de Napoléon, faisait savoir aux membres de la commission qu’ils eussent à se prononcer immédiatement, par oui ou par non, sur la compétence du concile relativement à l’institution canonique. Le ministre, ajoutait que le jugement que porterait la commission devait être communiqué à l’empereur, et serait immédiatement déféré au concile pour qu’il statuât définitivement[1]. L’ordre était formel et péremptoire. Ce fut l’évêque de Tournai qui le premier prit la parole, non pour aborder le fond du débat, mais pour faire habilement ressortir ce qu’avait d’inusité le rôle accepté par M. Duvoisin et la contrainte singulière que, par voie de délégation, il cherchait à exercer sur ses collègues. Il commença donc par lui demander s’il était bien réellement l’inventeur de la question qu’il voulait à toute force faire discuter par la commission. « Nantes biaisa, raconte M. de Broglie ; mais Tournai lui serra le bouton, et le pria de vouloir bien dire si sa métaphysique était de lui ou de l’empereur. Nantes continuait à se taire. Alors Tournai ajouta : — Mais les deux propositions que vous avez lues à notre réunion précédente sont-elles aussi de l’empereur ? — Nantes en convint pour la première ; quant à la seconde, il balança ; Tournai insistant, il finit par convenir que le souverain n’avait exigé de discussion que sur la première[2]. »

Ces aveux mêlés de contradictions jetèrent une sorte d’ébahissement parmi les collègues de M. Duvoisin, et amenèrent un peu de va-et-vient dans l’ordre de la discussion. Le cardinal Fesch, pris de court, oublia qu’il avait la veille décidé lui-même qu’on délibérerait d’abord sur la question de nécessité primitivement posée par l’évêque de Nantes, et mit aux voix celle de la compétence ou de l’incompétence du concile relativement à l’institution canonique. La majorité fut si énorme qu’il n’y eut même pas besoin de compter les suffrages. « Allons, dit le président, quand le vote fut fini, tout est perdu, et l’empereur dissoudra le concile. » L’archevêque de Tours et l’évêque de Nantes appuyèrent son dire. Ils ne ménagèrent, même pas les sarcasmes à leurs collègues, répétant qu’on s’apercevrait trop tard combien ce rigorisme hors de propos serait funeste à l’église. Pour éviter des

  1. Lettre du ministre des cultes au cardinal Fesch, 4 juillet 1811.
  2. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.