Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/958

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner des évêques. — Oui, des évêques catholiques, lui cria-t-on de toutes parts, mais non point des évêques schismatiques ou seulement douteux. — Qu’importe d’où vienne, la nécessité, disait de son côté M. Duvoisin, et qu’il la faille imputer soit au pape, soit à l’empereur ? Elle existe, et c’est notre devoir et notre droit d’y pourvoir. » Là-dessus les évêques de Bordeaux et de Troyes, les cardinaux Spina et Caselli, les titulaires de Gand et d’Ivrée, ne manquèrent point de soutenir que cela importait au contraire beaucoup. Ils insistèrent à l’envi sur cette circonstance que, « puisque le pape consentait en réalité à l’expédition des bulles, la prétendue nécessité invoquée par le souverain ne pouvait être prise comme un point de départ suffisant pour changer la discipline générale de l’église[1]. » L’évêque de Tours s’éleva longuement contre cette fin de non-recevoir.

Les délibérations de la commission avaient tourné jusqu’alors dans un même cercle et revêtu la forme d’une conversation animée. M. de Broglie demanda en ce moment la permission de lire un mémoire qu’il avait rapidement écrit sur la matière, et dont le canevas lui avait été fourni par de savans théologiens de son diocèse[2]. Nous n’en reproduirons aucune partie, il n’entre pas dans notre sujet de mettre en saillie les côtés purement dogmatiques de la question. La majorité parut plus que jamais confirmée dans ses résolutions antérieures par la lecture de ce mémoire. La consternation était extrême parmi les prélats du parti de l’empereur. L’un d’eux s*échappa même à dire : « Si le concile ne consent pas au décret avant l’envoi de la députation, l’empereur dira que nous l’avons joué. » Ces paroles laissaient trop clairement voir que les confidens de Napoléon lui avaient promis que le concile se montrerait docile à ses inspirations. Un autre s’écria : « Adieu maintenant l’épiscopat en France, tout est perdu ! » Le cardinal Spina s’efforça de montrer à ses adversaires combien leurs appréhensions étaient exagérées, mais il ne les persuada guère. Il répéta que voter le décret d’avance, c’était condamner le pape. M. Duvoisin se récria, et accumula les argumens pour détruire cette assertion, puis ce prélat et l’archevêque de Tours s’appliquèrent à réfuter quelques citations et quelques faits mis en avant par l’évêque de Gand. L’évêque de Tournai les arrêta en les priant de vouloir bien répondre d’abord à son mémoire. Devant cette sommation positive, la minorité se

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.
  2. Ce mémoire est tout entier dans les pièces justificatives de l’ouvrage du chanoine de Smet (Coup d’œil sur l’histoire ecclésiastique). Il était en partie composé d’après les recherches de M. le docteur van de Velde et de M. Ryckewaert, alors professeur au séminaire de Gand.