Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connus comme des partisans très zélés des droits du saint-siège. Toutes les séances de cette commission se tinrent, jusqu’au 5 juillet, dans les appartemens du somptueux hôtel que le cardinal Fesch occupait dans la rue du Mont-Blanc. M. Duvoisin, éclairé par l’expérience qu’il venait de faire pendant la discussion de l’adresse, comprenait qu’il serait peu prudent d’apporter à la commission ainsi composée un projet préparé d’avance. Son plan de conduite restait toutefois le même. Plus intimement initié qu’aucun de ses collègues aux déterminations si parfaitement arrêtées du maître, il était plus que jamais porté à penser qu’aucun résultat utile ne sortirait des délibérations de la commission, si elle ne les concertait d’abord avec le tout-puissant chef de l’état. Dès l’ouverture de la première séance, il commença donc par dire que, « pour aplanir les difficultés, la commission ferait bien d’en référer à l’empereur, si elle avait des craintes qu’il n’agréât point ce qu’elle aurait décidé[1]. » À ces mots, M. de Broglie l’arrêta court ; il avait pris un peu plus de confiance, et ne comptait pas demeurer passif dans la commission du message comme il l’avait été dans les congrégations générales. « Que sommes-nous donc, monseigneur, et quelle est notre qualité, répliqua le titulaire du siège de Gand, sinon les mandataires du concile ? Le concile nous a délégué la mission de préparer une réponse au message ; il ne nous a pas conféré d’autres pouvoirs, et certes il n’entend pas que notre commission ou quelques-uns de ses membres traitent jamais, sans son autorisation, avec l’empereur. » Cette observation ne fut qu’assez faiblement appuyée. Elle eut toutefois pour effet d’embarrasser tant soit peu l’archevêque de Tours et les évêques de Nantes et de Trêves, qui visaient évidemment à remplir le rôle d’intermédiaires entre le concile et Napoléon. Afin de voir venir leurs adversaires, les membres de la majorité avaient résolu de n’exprimer les premiers aucune opinion sur le fond même des choses, attendant ce qu’auraient à leur dire les confidens avérés de la pensée impériale. Ceux-ci n’étaient pas non plus très pressés d’entrer en matière. On s’observait réciproquement. Alors M. de Broglie se prit à dire « qu’étant l’un des plus jeunes prélats du concile il priait ses aînés, les membres des anciens comités ecclésiastiques, qui avaient étudié depuis longtemps ces questions, de vouloir bien faire part de leurs lumières à leurs collègues. » Cela parut soulager l’évêque de Nantes, qui envoya chercher le rapport adressé naguère à l’empereur, et en donna lecture à la commission. Le rapport était long. Les évêques opposans trouvaient qu’il y avait plus de paroles que de faits,

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.