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lui-même aux moyens de pourvoir provisoirement à la viduité des diocèses. Napoléon ne faisait pas difficulté d’ajouter qu’avant de mettre les pêres du concile en demeure de passer outre, il ne se refuserait point à envoyer, au nom du concile, une nouvelle députation auprès du pape à Savone. Telle était la voie détournée vers laquelle les prélats partisans de la cour avaient été chargés d’incliner doucement leurs collègues. Ceux-ci y répugnaient beaucoup. « Pourquoi, disaient-ils, débuter par une déclaration de compétence dont la valeur canonique, fort incertaine en elle-même, sera certainement considérée comme nulle par beaucoup d’excellens théologiens, et cela quand l’empereur consent à traiter avec le souverain pontife ? C’est par là évidemment qu’il faut commencer. Qu’on nous permette d’entrer en communication avec le saint-père, de députer près de lui quelques-uns d’entre nous pour lui exposer les besoins de l’église, Si nous ne réussissons point à le fléchir, il sera temps alors, mais seulement alors, de considérer ce que nous aurons à faire. Cette démarche est d’autant plus indiquée, ajoutaient-ils, que nos collègues déjà députés auprès du pape nous assurent qu’il est favorablement disposé. Aujourd’hui que le concile est constitué, qu’il s’apprête à délibérer, quelle difficulté s’oppose à ce que nous adressions nous-mêmes à notre chef spirituel une seconde députation qui aurait plus d’autorité encore que la première ? » La difficulté que les pères du concile ne soupçonnaient pas, dont M. Duvoisin et les évêques envoyés avec lui à Savone n’avaient peut-être pas reçu la confidence, c’est que Pie VII ne voulait plus reconnaître la valeur du papier laissé entre ses mains, c’est qu’il déclarait nuls les engagemens auxquels il avait un instant consenti, c’est enfin qu’il était en proie dans ce moment à cette redoutable maladie qui aurait rendu vaines les tentatives de négociation entamées avec lui. De ce terrible secret provenait l’inextricable embarras de la situation. Après avoir exposé la position respective des deux camps entre lesquels se partageaient les membres du concile, il nous faut pénétrer maintenant dans l’intérieur même de la commission du message.


II

Les évêques chargés de rédiger la réponse au message de l’empereur avaient été nommés dans la congrégation générale du 25 juin. Ils étaient au nombre de dix, non compris le président du concile. C’étaient les cardinaux Spina et Caselli, les archevêques de Bordeaux et de Tours, les évêques de Nantes, de Comacchio, d’Ivrée, de Tournai, de Trêves et de Gand. Ils avaient été choisis à la pluralité relative des suffrages, et parmi eux six ou sept étaient