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ou petites, des couleurs à peu près identiques. Le charme des miniatures tient sans doute à ce que l’artiste, en diminuant les objets, n’affaiblit pas la couleur ; la pauvreté naturelle des tons que le pinceau peut créer se trouve ainsi déguisée. Le bas-relief est comme une transition entre la peinture et la sculpture ; l’œil est si habitué à l’illusion stéréoscopique, qu’il attribue volontiers le relief de la nature à une œuvre où tous les objets sont resserrés entre deux plans. L’illusion est produite dès que les deux yeux peuvent obtenir deux images différentes, ce qui n’arrive jamais pour la peinture, mais ce qui a déjà lieu pour le bas-relief. Dans ce cas, l’esprit est particulièrement complaisant, et il ne faut pas qu’on abuse de cette indulgence. Les efforts de ceux qui veulent donner à certaines parties d’un bas-relief le modelé de la vie vont contre le but : ce modelé ne pouvant être obtenu partout, la sensibilité de l’œil est déroutée. La convention admise, il faut la respecter, car notre intelligence, qui change si facilement de mesure, n’aime pas se servir de plusieurs mesures à la fois. Le bas-relief a besoin de grands méplats où la lumière s’étale et se borde d’ombres rapides et nettement accusées. La grande lumière solaire lui donne sa pleine valeur, et les Grecs s’en servaient avec raison dans la décoration extérieure de leurs temples.

La sculpture et l’architecture, qui disposent des trois dimensions, peuvent librement représenter toutes les formes. Elles ne subissent pas les mêmes tyrannies que la peinture ; mais elles rencontrent des obstacles particuliers dans la nature des matériaux qu’elles emploient, dans la lenteur de leurs procédés, dans les conditions d’équilibre et de stabilité matérielle qui leur sont imposées. Le sculpteur doit donner aux types qu’il représente un caractère de durée, d’immutabilité, de sérénité, qui exclut tous les détails inutiles. La statue est aperçue de loin, elle n’a pas les couleurs enchanteresses de la vie ; aux temps mêmes de la polychromie, elle n’était jamais revêtue que d’un enduit léger. Il faut qu’elle frappe l’esprit autant que les sens. L’anatomie doit être juste ; mais il ne faut pas qu’elle soit l’anatomie du médecin et du physiologiste. L’expression générale serait diminuée par une trop grande profusion de détails ; les ondulations de la chevelure, les courbures des muscles, les plis de la draperie, doivent servir d’enveloppe discrète à l’être muet et, pour ainsi dire, abstrait que le ciseau tire du marbre. Il faut qu’on y sente la vie en puissance plutôt que la vie réelle ; la beauté n’est plus chaste quand on commence à l’analyser. Il suffit qu’elle tienne l’âme dans une contemplation religieuse, qu’elle l’appelle comme un rêve, qu’elle l’éclairé de son rayon surnaturel. Y a-t-il rien de plus hideux que ces figures de cire qui ont de vrais