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L’OPTIQUE ET LES ARTS

Il y a une science de la musique, on ne peut pas dire qu’il y ait une science de la sculpture, de la peinture ni des beaux-arts en général. L’harmonie a des règles strictes qui se transmettent dans les écoles ; découvertes empiriquement, parce qu’elles correspondent à des plaisirs de l’oreille que tout le monde peut ressentir, ces règles sont justifiées aujourd’hui par la science, et ici même nous avons montré[1] comment M. Helmholtz, à la suite de ses grandes découvertes acoustiques, a entrepris de donner une théorie raisonnée de toutes les lois de l’harmonie. Par une étrange contradiction, la musique, qui se plie mieux que tous les autres arts à l’inspiration lyrique, rapide, intime comme la pensée, capricieuse comme le rêve, est en même temps le seul qui s’assujettisse à des formes définies, à des allures réglées, qui ait un véritable code du beau. Les autres arts cherchent aussi le beau, mais ils le cherchent à tâtons. Seule peut-être, l’architecture peut se comparer à la musique en ce sens qu’elle subit la tyrannie des styles et des modules de proportion. Chez les Grecs surtout, elle acceptait des règles traditionnelles, et était devenue une sorte de géométrie grandiose. La sculpture reconnaissait aussi un canon pour les proportions du corps humain ; cependant l’artiste avait là plutôt un auxiliaire qu’une gêne, et sa fantaisie donnait au marbre les formes souples et les inflexions infinies de la vie. La peinture est plus bornée dans ses moyens, puisqu’elle est réduite à figurer toutes choses sur un plan unique ; en revanche, elle peut donner aux yeux les enchantemens de la couleur. Aussi a-t-elle été l’art créateur et dramatique par excellence ; elle nous donne toutes les illusions, nous rend l’émotion

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1867.