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LE
ROYAUME DU CAMBODGE
ET LE
PROTECTORAT FRANÇAIS



S’il est facile aux théoriciens d’attaquer le système colonial en mettant ce qu’il rapporte en regard de ce qu’il coûte, les hommes appelés à diriger une grande nation, à quelque école économique qu’ils appartiennent, sont conduits par une pression irrésistible à commettre ces prodigalités généreuses qui honorent la jeunesse des peuples et profitent à leur maturité. La Grèce avait colonisé l’Asie-Mineure, la Sicile et l’Italie ; Rome s’était assimilé le monde par les mœurs comme par les armes, et l’Angleterre ne serait aujourd’hui qu’une nation du troisième ordre, si l’intrépide race anglo-saxonne, qui couvre les deux continens, avait appliqué la récente et peu sérieuse théorie de l’isolement. La doctrine du chacun chez soi et du chacun pour soi est radicalement contraire au génie de la France, dont l’expansion est la loi. Si nombreux qu’aient été ses mécomptes en matière coloniale, sa foi a heureusement survécu à ses déceptions. C’est au bruit d’applaudissemens unanimes que le gouvernement français nous a ouvert par une victoire les portes du Céleste-Empire, et c’est en comptant avec raison sur l’approbation de tous les esprits politiques qu’il a planté le drapeau national entre l’Inde et le Japon à l’embouchure de l’un des plus grands cours d’eau de la Haute-Asie. Le Français qui arrive d’Europe après avoir