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créer des embarras à Milosch et d’intervenir à propos pour tout bouleverser ! C’est précisément sur ces désordres intérieurs que se porta tout d’abord l’activité du prince. D’énergiques et promptes mesures supprimèrent le brigandage. — Protéger les labeurs du paysan et empêcher les bandits de déshonorer ce nom de kaidouk illustré dans les guerres nationales, c’était d’un seul coup servir deux fois la Serbie. — D’autres abus qui semblaient consacrés aussi par une pratique séculaire furent déracinés avec la même vigueur. On cite au premier rang le vestige le plus odieux et le plus tenace de l’antique barbarie, le rapt des jeunes filles. Lorsqu’un jeune homme, désirant épouser une jeune fille riche, pressentait un refus des parens, il rassemblait ses compagnons, préparait une embuscade, et enlevait la malheureuse enfant quelquefois plus morte que vive. Souvent, pour s’assurer sa proie, le ravisseur ne reculait devant aucun attentat. On trouvait toujours des prêtres avilis qui prêtaient leur ministère à ces violences, et, dans une vue d’intérêt sordide, célébraient le mariage malgré les protestations de la victime. Milosch décida que tout auteur ou complice d’un tel crime serait puni de mort ; quant au prêtre, il était suspendu de ses fonctions et condamné en outre à une peine corporelle. Cette législation nouvelle exigeait un changement dans l’administration de la justice. Pour la pleine efficacité des lois qui devaient réformer les Serbes, c’était au prince des Serbes, et non au pacha de Belgrade, d’en poursuivre l’application. Milosch s’attribua donc, au nom de l’intérêt commun, ce droit de prononcer la peine capitale que les traités récens avaient réservé au pacha. Il augmenta aussi les attributions du tribunal suprême, qui, sous le titre de grand tribunal national (veliki-narodni-soud), devint une sorte de conseil d’état. Du haut en bas de l’échelle, l’administration intérieure et l’administration judiciaire furent solidement organisées. Le pays, selon les traditions séculaires, avait été divisé de nouveau en provinces et en districts ; dans chaque chef-lieu de province, Milosch établit un oberknèze et un tribunal provincial, dans chaque district un knèze, dans chaque village un kmète. En réprimant le brigandage et les rapts, il avait voulu enlever aux Turcs tout prétexte de s’immiscer dans les affaires du peuple serbe ; en assurant par ses officiers civils l’équitable répartition de l’impôt et par ses magistrats le prompt règlement des procès, il délivrait ses compatriotes de la justice musulmane. Même dans les contestations entre chrétiens et Turcs, le mussélim n’avait plus de rôle à jouer,- cité devant le tribunal ottoman, le chrétien faisait défaut, et le Turc était bien obligé de s’adresser au tribunal serbe. Enfin, grâce aux vigilantes mesures de Milosch, les Serbes n’avaient plus à subir aucun