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autre raison a fait le succès du parti républicain, c’est qu’en définitive, au milieu des anciennes opinions usées par bien des luttes, il a la jeunesse, la vitalité et les illusions de ceux qui n’ont pas passé au pouvoir ; il a le talent aussi. Un de ses plus brillans adeptes, ancien professeur de l’université de Madrid, M. Emilio Castelar, avec sa fougueuse imagination, son esprit facile et ses dons aimables, est peut-être un des hommes les mieux faits pour entraîner les masses ; il a l’éloquence la plus séduisante au service d’un vrai fanatisme pour la république. Un des jeunes démocrates les plus sérieux et les plus convaincus, M. Pi y Margall, est aussi un des plus remarquables publicistes de l’Espagne ; il porte dans le développement des idées radicales une énergie contenue, une singulière fermeté d’esprit et une tranquille prévoyance. Je ne parle que des principaux ; le talent aide à la fortune des partis.

Une dernière circonstance toute locale enfin a merveilleusement favorisé les propagandes républicaines dans deux des plus importantes provinces de l’Espagne, en Catalogne et en Andalousie. Les ouvriers catalans sont depuis longtemps acquis aux opinions démocratiques ; ils sont intelligens et jaloux de leurs droits, qu’ils défendent par de nombreuses et fortes associations ; mais jusqu’ici, renfermés uniquement dans la sphère industrielle, ils avaient résisté aux avances du parti républicain. Depuis la dernière révolution, ils n’ont plus hésité, et ils viennent de le prouver dans les élections. En Andalousie, c’est une tout autre cause. Ici, il ne faut pas l’oublier, la constitution sociale est très particulière. La grande propriété existe encore comme elle existait autrefois, et elle est organisée de telle façon que les paysans sont de véritables serfs. Plus d’une fois de grands propriétaires, et entre autres le duc d’Ossuna, ont essayé d’entrer dans une voie de réforme, ils ont voulu donner aux paysans des lots de terre moyennant une redevance. Les paysans andalous sont très avancés, ils veulent tout simplement qu’on leur donne la propriété des terres. De là des habitudes ou des instincts de socialisme tout pratique qui éclatent à chaque révolution et qui livrent les populations aux propagandes républicaines, parce qu’elles voient dans la république le partage des terres. Que le parti démocratique, servi par toutes ces circonstances, enhardi par l’indécision publique, un peu enivré aussi du bruit qu’il faisait, se soit cru un instant tout près de la victoire et qu’il ait tenté de l’emporter par un dernier effort, cela n’est plus douteux aujourd’hui. C’est lui qui au mois de décembre a fait les insurrections de Cadix et de Malaga. Il avait compté sans l’armée, il a été battu. Il n’est pas moins vrai qu’il avait fait acte de force, que le lendemain encore il obtenait près de quatre-vingts élections au scrutin d’où sortait l’assemblée constituante, et, dernier détail à noter, le chef