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de candidats. Et comme on n’était pas d’accord sur le choix d’un prince, comme on ne voulait pas, d’un autre côté, rompre avec les républicains par un appel immédiat à la nation, on prenait le parti, au sein du gouvernement, de ne rien faire, de s’engager à ne prononcer pour l’instant aucun nom, d’ajourner les décisions suprêmes, c’est-à-dire que, pour s’épargner d’aborder de front une difficulté épineuse par le choix d’un candidat, on livrait la question même de la monarchie à l’imprévu d’un provisoire indéfini, on abandonnait le pays à toutes les excitations, à une incertitude agitée au milieu d’une révolution qui soulevait à la fois tous les problèmes, qui mettait sur son programme toutes les libertés, et au premier rang la plus précieuse assurément, mais aussi la plus propre à émouvoir les passions, la liberté religieuse. Le résultat le plus clair de ce système évasif, qui a été la seule politique du gouvernement provisoire de Madrid, c’est que la porte restait ouverte à toutes les combinaisons, à toutes les prétentions, et par le fait il n’y avait que deux partis, fort opposés d’ailleurs, à qui pouvait profiter ce règne de l’ambiguïté dans toutes les affaires de l’Espagne.

C’est ce qui est arrivé en effet, et si l’Espagne n’a pas sombré dans la guerre civile, ce n’est pas en vérité qu’elle n’ait été plus d’une fois sur le bord. D’un côté le parti carliste, après une longue éclipse, à reparu de nouveau ; il a retrouvé avec ses espérances un jeune chef qui ne demande pas mieux que d’aller chercher une couronne vainement disputée autrefois par son aïeul don Carlos. Le parti carliste n’a pas sans doute beaucoup de chances par lui-même, il a celles qu’on lui donnera par l’impuissance ou par l’excès des décevantes agitations, et dans tous les cas il a repris assez de vie pour devenir une menace, peut-être pour tenter le combat. Mais ce qu’il y a de plus sérieux et de plus significatif dans les conditions nouvelles créées par la révolution de septembre et par la politique du gouvernement provisoire espagnol, c’est l’importance croissante qu’a prise le parti démocratique depuis quatre mois.

Chose curieuse que le progrès soudain et retentissant de cette opinion nouvelle en Espagne ! Il n’y a pas bien longtemps encore, le parti démocratique existait à peine, au moins comme parti politique, et même les gouvernemens, par une de ces puérilités qu’ils croient toujours efficaces, lui refusaient le droit de se dire démocratique, sous prétexte que la constitution ne le permettait pas. C’était par le fait moins un parti qu’un petit groupe réunissant quelques esprits jeunes et ardens nourris de l’histoire révolutionnaire française, des théories du radicalisme économique et des doctrines socialistes. Il se développait déjà obscurément, il se recrutait dans les universités, envahies depuis quelques années par la