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n’est plus aux changemens de cabinet en Italie… À vrai dire, que pouvait-on reprocher sérieusement au ministère ? Certainement il est toujours facile de se donner un bon air de popularité en combattant ou en paraissant combattre un impôt. C’est à la fois commode pour ceux qui prennent ce rôle et embarrassant pour ceux qui ont la dure mission de faire entendre raison aux contribuables ; mais en définitive le parlement italien ne pouvait se laisser entraîner dans cette voie d’hostilité rétrospective contre le macinato sans se désavouer lui-même, puisque c’est lui qui a voté la loi. De plus, si l’impôt a été voté, c’est qu’il était absolument nécessaire pour le rétablissement des finances. Il n’y avait plus à hésiter, et un homme aussi compétent qu’énergique, ancien ministre lui-même, M. Sella, est allé droit au but en déclarant que, si on voulait revenir sur ses pas, il n’y avait plus qu’à faire une petite loi en deux articles, le premier abrogeant la loi du macinato, le second abolissant la rente publique. C’était montrer la banqueroute au bout de toute démarche irréfléchie. Le parlement ne pouvait donc se laisser aller à un moment de faiblesse. La première nécessité était de maintenir l’impôt, et tout le, monde en est convenu, même l’opposition ; mais alors on s’est rejeté sur la manière d’appliquer la loi.

Ce qu’il y a de plus clair, c’est qu’on aurait voulu sans doute que le ministère trouvât un moyen de faire accepter l’impôt comme un bienfait par les populations. On lui a reproché d’avoir manqué de prévoyance, de ne s’être pas muni d’un nombre suffisant de compteurs avant l’exécution de la mesure, et on lui a reproché encore, quand les troubles ont éclaté, d’avoir maltraité quelques journaux de Parme ou de Bologne, d’avoir fait opérer quelques arrestations. Le ministère, nous le croyons bien, a fait ce qu’il a pu pour exécuter une loi difficile, et après cela il n’a pas assurément abusé de la sévérité. Depuis longtemps, dans aucun ministère italien, il n’y a l’étoffe d’un bien terrible dictateur. N’importe, sur ce terrain on avait plus beau jeu, on pouvait se donner libre carrière, et le cabinet a été quelque peu secoué. Il s’est produit au courant de la discussion des motions de censure et de défiance, il y a eu des motions d’approbation et de confiance. Le baron Ricasoli, avec l’autorité de son caractère, est venu proposer un ordre du jour pur et simple qui a été accepté par le général Ménabréa, et tout a fini par un scrutin qui a donné 50 voix de majorité au gouvernement. Bien des discours ont été prononcés dans ce débat, et l’un des plus remarquables est celui de M. Massari à l’appui du ministère. M. Massari est du petit nombre des députés italiens qui ont le courage de leur opinion, qui osent dire tout haut que l’Italie doit toujours avoir devant les yeux un double but : relever sa politique aux yeux de l’Europe par la droiture et la loyauté, maintenir son crédit par la fidélité à ses engagemens, même au prix de sacrifices pénibles. Le dernier discours de M. Massari est un acte de plus de ce patriotisme sérieux et sincère qui est, après tout, la plus grande habileté.