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touche maintenant à la réunion de son assemblée constituante, et cette réunion ne laisse pas d’avoir pour prologue des incidens sinistres. Les élections se sont faites, il y a quelques jours, sans trop de désordre, et le résultat est bien l’image de la situation même de la péninsule. On peut compter sur une phalange assez compacte de quelque soixante-dix républicains avérés. D’un autre côté, les anciens partisans de l’union libérale, tout en formant un certain groupe, n’eût pas une représentation proportionnée à l’importance de ce qu’ils ont fait pour la révolution. Entre ces deux fractions, les progressistes sont ceux qui ont le contingent le plus considérable ; à eux seuls, ils formeraient presque la majorité. Enfin il y a une escouade d’absolutistes qui vont faire une singulière figure dans cette assemblée révolutionnaire. De l’ancien parti modéré, pas un homme n’a été élu. Dans l’ensemble, cette assemblée est incontestablement monarchique ; mais pour quelle monarchie est-elle, car c’est toujours la question, et même avant d’arriver à se prononcer sur ce point décisif, quel gouvernement formera-t-elle ? Cependant cette réunion des cortès vient d’avoir pour préface un événement sanglant qui révèle l’état moral de l’Espagne. Le gouvernement avait donné l’ordre de procéder à un inventaire des objets précieux appartenant aux églises et aux établissemens religieux. Au moment où le gouverneur de Burgos se présentait, il a été assailli par une foule furieuse qui l’a mis en pièces d’une façon hideuse. Le meurtre est-il uniquement dû à une explosion spontanée de fanatisme populaire ? avait-il été préparé et conseillé ? C’est ce qu’on ne sait pas encore ; mais dans tous les cas on voit quelles passions fermentent en Espagne, et on ne voit pas quelle force morale peut les contenir dans un pays où tout est à reconstituer.

L’Italie a été un instant troublée par la première application de la loi qui établit l’impôt sur la mouture. Quelques désordres ont éclaté, dans l’Émilie particulièrement, du côté de Parme et de Reggio. Le gouvernement a cru aussitôt devoir envoyer le général Cadorna avec des pouvoirs suffisans pour dominer cette agitation et rétablir la paix publique. La force a fait son œuvre en peu de temps et sans collisions nouvelles. Aujourd’hui c’est le parlement qui par ses dernières discussions, surtout par son vote, vient d’achever cette pacification en maintenant l’autorité de la loi et en sanctionnant la politique ministérielle. Ce dernier débat ne laisse pas d’être curieux comme indice de la situation des partis et du gouvernement. C’est la troisième fois, on le remarquera, depuis l’ouverture de la session, que l’opposition est revenue à la charge contre le ministère. La première fois c’était au sujet d’un plan de réformes administratives ; puis est venue l’affaire de l’allocation inscrite au budget pour le service de la part de dette pontificale acceptée par l’Italie ; aujourd’hui c’est à propos d’une taxe nouvelle que M. Ferrari brandit l’arme des interpellations contre le cabinet florentin. Dans ces trois circonstances, l’opposition a été complètement battue. Décidément le vent