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ressort des paroles du chef de l’état ; mais c’est surtout à l’occasion de la politique intérieure que le discours impérial s’accentue, et prend le caractère d’un manifeste dépassant l’enceinte du Louvre pour aller parler à la nation.

Ce n’est pas qu’ici même, dans cette partie plus saillante du discours impérial, il n’y ait place pour toutes les interprétations, et qu’il n’y ait aussi quelques illusions ou quelques confusions. L’empereur est évidemment bien obligeant pour nous en se déclarant dès ce moment le « chef responsable d’un pays libre. » Nous mériterons quelque jour ce titre sans nul doute, nous n’y avons pas tout à fait droit encore, le mieux est de ne pas trop se faire valoir en pareil cas ; mais enfin une chose domine tout, et c’est l’essentiel. C’est pour cela qu’on attendait avec une impatiente curiosité l’ouverture des chambres : la politique du 19 janvier n’est point rétractée, l’idée d’une réaction n’est même pas admise. L’empereur, avec le concours des chambres, est résolu à persévérer dans la voie qu’il s’est tracée. Le but, c’est la fondation d’un gouvernement « assez pénétré des besoins de son époque pour adopter tous les bienfaits de la liberté, assez fort pour en supporter même les excès. » Les lois nouvelles, malgré « une agitation factice, » ne sont nullement menacées, et, si on voulait enfin caractériser le manifeste impérial, on pourrait le résumer dans cet aveu, que la nation « ne veut pas de révolutions, mais qu’elle veut asseoir les destinées de la France sur l’intime alliance du pouvoir et de la liberté. » On ne pourrait mieux dire. La liberté, c’est le premier et le dernier mot de ce discours, sonnant comme une fanfare. Après cela, que l’empereur paraisse considérer les élections comme une formalité faite pour permettre au pays de a sanctionner la politique qui a été suivie, » c’est le pays qui prononcera ; qu’en attestant sa bonne volonté pour les progrès véritables, il se dise également résolu à « maintenir hors de toute discussion les bases fondamentales de la constitution, » ce n’est pas précisément ce qui nous effraie ; il n’y a que les esprits violens et gauches qui se figurent toujours qu’on ne peut rien faire sans se jeter sur les bases fondamentales pour les dévorer, ce qui est en tout temps une dure affaire. Ce qui nous frappe, c’est que malgré tout dans cette haute et méditative intelligence il se fait encore évidemment des confusions étranges. L’empereur vent être libéral, il fait incessamment appel au « principe de libre discussion, » au concours, au contrôle, aux « attributions agrandies » des chambres, et nul ne saurait mettre en doute sa sincérité ; seulement il ne voit pas que cette extension de droits publics qu’il a été a le premier à vouloir, » comme il le dit, a ses conditions, qu’en proclamant si haut la liberté sans adapter les formes de son gouvernement à ce nouveau mode d’existence politique, il se prépare d’insolubles difficultés. Il ouvre la porte à ces contradictions, à ces anomalies qui éclatent quelquefois, et nous avons sous les yeux ce spectacle, d’ailleurs intéressant, d’une transformation laborieuse, souvent