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Nous nous bornerons à renvoyer nos lecteurs au Journal officiel du 17 janvier 1869, qui a publié le rapport de M. Dupré sans remplacer par une ligne de points le passage relatif à l’incident dont il s’agit. Nous devons dire que M. Buet n’a été ni condamné ni même poursuivi pour le fait en question. D’autre part il est rentré en France et n’a point protesté jusqu’à présent contre l’accusation dont il était l’objet. Quoi qu’il en soit, cette accusation, vraie ou fausse, se répandit en un clin d’œil dans la ville de Saint-Denis. Dans l’état où se trouvaient les esprits, ce fut comme l’étincelle qui met le feu à un amas de matières combustibles.

Pour comprendre les événemens qui vont suivre, il faut d’abord se faire une idée exacte de la configuration des lieux. Lorsqu’on arrive à l’île de la Réunion, on vient ordinairement mouiller à l’extrémité septentrionale de l’île, dans une rade foraine mal abritée contre le vent et la vague. C’est la rade de Saint-Denis. Elle est limitée plutôt que protégée par deux caps : à gauche, c’est-à-dire à l’est, la pointe des Jardins, à droite, c’est-à-dire à l’ouest, le cap Bernard. En face de soi, on a une jolie petite ville, construite au milieu de jardins. C’est Saint-Denis, le chef-lieu de l’île et l’une de ses trois villes commerçantes. La population s’élève à environ trente mille âmes. La ville s’élève en pente douce à partir du rivage. Presque toutes les rues se coupent régulièrement à angles droits. La ville présente donc l’aspect d’un vaste damier, mais d’un damier dont chaque case porterait un bouquet de verdure et de fleurs. C’est du milieu de ces bouquets que jaillissent les maisons, presque toutes en bois, élevées d’un ou deux étages au plus sur un rez-de-chaussée, ordinairement muni d’une vérandah.

La rue principale, autrefois rue Royale, aujourd’hui rue de Paris, part presque du rivage pour aller jusqu’à, la partie haute de la ville. On la voit donc se développer devant soi dans sa longueur lorsque l’on est en rade. C’est le long de cette voie que sont groupés la plupart des édifices publics : près du rivage, à droite de la rue de Paris, l’hôtel du gouverneur, sur une place d’une certaine étendue ; un peu plus loin, à gauche, également sur une place, mais plus petite, la vieille église, qui sert de cathédrale, en attendant l’achèvement de l’inachevable monument voté par le conseil-général ; en face de l’église, à droite de la rue par conséquent, la caserne de la compagnie disciplinaire, un peu plus loin l’hôpital militaire, puis l’hôtel de ville ; plus loin encore, toujours sur la droite et vers le milieu de la rue la direction de l’intérieur. Tout à fait à l’extrémité de la rue de Paris, se trouve le Jardin des plantes, et à peu de distance de là le lycée impérial. Le collège des jésuites occupe une situation beaucoup plus excentrique, au