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subventionner des établissemens offrant un caractère plus ou moins religieux.

Nous touchons ici au point le plus délicat de notre sujet. Nous avons à expliquer comment la question politique, administrative et financière qui s’agite à la Réunion est venue se compliquer d’une question religieuse, si l’on veut l’appeler de ce nom. Nous avons à expliquer comment le clergé de cette colonie, et particulièrement le clergé régulier, s’est trouvé associé à l’impopularité qui pesait sur l’administration, à ce point que les derniers événemens ont paru dirigés bien moins encore contre l’administration que contre le clergé et le parti sur lequel il s’appuyait. Au lendemain de la révolution de 1848, on crut nécessaire d’établir des évêchés à l’île de la Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe. Jusque-là des préfets apostoliques ayant juridiction d’évêque avaient suffi aux besoins religieux de ces colonies. Ils pouvaient y suffire encore ; mais on était mû par un sentiment généreux : on songeait à l’éducation religieuse des milliers de nègres qui venaient d’être appelés à la liberté. On ne réfléchissait pas que cette éducation aurait pu se faire tout aussi bien et à moins de frais, si l’on s’était borné à envoyer dans chacune des trois colonies quelques prêtres de renfort placés sous les ordres du préfet apostolique.

Le premier évêque nommé à l’île de la Réunion, en 1850, fut M. Florian Desprez. Ce choix n’était peut-être pas très heureux. M. Desprez est devenu depuis archevêque de Toulouse et a montré qu’il réussissait mieux à exciter les passions qu’à les calmer. Son arrivée à la Réunion ouvrit pour cette colonie une période de discussions et d’agitations religieuses. Il y eut bientôt dans l’île un parti de l’évêque et naturellement aussi un parti hostile à l’évêque. On n’a pas oublié ce qui se passait en France à cette époque. Le clergé était allié au pouvoir, et cette alliance était si étroite qu’elle survécut même à un changement dans la forme du gouvernement. Commencée sous la république présidentielle elle se continua pendant les premières années de l’empire. La même alliance, et plus étroite encore, s’il est possible, existait à l’île de la Réunion. Lors de la création du conseil-général destiné à remplacer le conseil colonial, M. Charles Desbassyns fut appelé à la présidence de cette assemblée. M. Charles Desbassyns, parent par alliance de M. de Villèle, le célèbre ministre de la restauration, était de taille à jouer un rôle considérable même sur un plus grand théâtre que celui où il se trouvait placé. Malgré son incontestable intelligence, ce qu’il y avait de plus remarquable en lui, c’était un caractère énergique et une indomptable volonté. S’il eût vécu en France, il aurait siégé dans les chambres de la restauration à côté de M. de La Bourdonnaye ; sous la monarchie de juillet, il se serait