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1854 restent complètement en vigueur en ce qui concerne le mode de nomination de ces assemblées. Or ces dispositions sont bien simples. Elles tiennent en une ligne : « Article 12. — Le conseil-général est nommé, moitié par le gouverneur, moitié par les conseils municipaux. » Et les conseils municipaux, par qui sont-ils nommés ? La réponse à cette question se trouve dans l’article 11 : « Les maires, adjoints et conseillers municipaux sont nommés par le gouverneur. » Ainsi le gouverneur, dans chaque colonie, est un véritable grand-électeur. Il nomme directement les conseils municipaux ; il nomme directement encore la moitié du conseil-général et indirectement l’autre moitié de ce même conseil. C’est donc l’administration qui choisit elle-même ceux qui sont chargés de contrôler et de limiter son pouvoir. Elle doit naturellement essayer de trouver en eux l’image de sa propre pensée et l’écho de ses propres désirs. Tel est le système qui régit depuis quinze ans nos trois colonies les plus importantes. Examinons maintenant comment ce système a été appliqué à l’île de la Réunion. C’est ici que nous allons voir les fautes de l’administration locale compléter celles du gouvernement métropolitain. Ces fautes, disons-le tout de suite, étaient presque inévitables. Un faux système ne peut amener que des résultats fâcheux. « On reconnaît la bonté de l’arbre aux fruits qu’il porte, » disait l’empereur dans une circonstance récente. Les fruits du sênatus-consulte de 1854 pour l’île de la Réunion, les voici.

L’administration, ainsi que nous l’avons vu, est appelée à nommer les maires, les adjoints et les conseillers municipaux. Elle est également appelée à nommer directement la moitié du conseil-général et indirectement l’autre moitié. Elle commence par le choix des maires : c’est là-dessus que pivote l’application de tout le système. Il y a dans l’île quatorze communes. On nomme d’abord les quatorze maires, et on laisse à chacun d’eux le soin de présenter la liste de son futur conseil municipal. L’administration naturellement, lorsqu’elle procède à la domination d’un maire, choisit de préférence un homme dévoué ; le maire à son tour désigne comme conseillers municipaux des hommes sur lesquels il croit pouvoir compter. En effet, à peine le conseil municipal est-il formé, qu’il s’empresse d’accorder au maire des frais de représentation qui, pour quelques-uns d’entre eux, équivalent à de véritables appointerons. Sur les quatorze communes de l’île, treize ont ainsi voté des frais de représentation dont le total dépasse 70,000 francs par an. La quatorzième commune, celle de Sainte-Marie, aurait suivi l’exemple donné par les autres, si le maire, M. Benjamin Vergoz, un des hommes les plus respectables de la colonie, n’avait refusé toute espèce d’indemnité. Parmi les maires qui ont consenti à recevoir des frais de représentation, il en est, nous devons le dire, qui ne