Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/728

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre d’algues croissant dans les mers de l’extrême Orient nous donnent de même ce qu’on nomme dans le commerce la mousse de Chine et en chimie la gélose, produit qui remplace aujourd’hui assez habituellement la colle de poisson. Cette substitution a des avantages analogues à ceux que nous venons de constater dans l’emploi de la chondrose. La mousse de Chine présente la supériorité que, pour les usages de ce genre, les substances végétales et non azotées offrent sur les matières animales.

Beaucoup de cryptogames du reste ont leurs tissus comme imbibés de gelée, et contiennent en outre des substances congénères de l’amidon, ainsi que de légères doses de matières grasses, azotées et salines. Nombre de lichens doivent à cette particularité d’être doués de propriétés nutritives. Les plus intéressans, soit par l’ancienneté des souvenirs qu’ils réveillent, soit par les discussions dont ils ont été le sujet, sont ceux du genre lecanora, dans lesquels on a voulu voir la manne qui nourrissait les Hébreux pendant l’exode. Ces végétaux se rencontrent en abondance dans les déserts de l’Asie. Les ouragans les transportent au loin, et les laissent retomber en pluie de matières comestibles. Ils ne constituent pas un aliment bien riche, cependant ils peuvent devenir dans des pays particulièrement arides une précieuse ressource. Le lichen d’Islande, outre les qualités thérapeutiques qu’on lui attribue avec plus ou moins de raison, est l’unique nourriture que les habitans des tristes régions boréales puissent donner à leurs rennes pendant la plus grande partie de l’année. Ceux-ci grattent la neige pour découvrir la seule plaine qui trouve moyen de s’accommoder de ces températures rigoureuses. Pour en revenir aux Hébreux, il est probable que la manne dont il est question dans les livres saints était plus nourrissante que les lichens asiatiques. C’était sans doute une sécrétion que la piqûre d’un insecte, le coccus manniparus, détermine dans la sève descendante du Tamarix mannifera. Cette sorte de manne, dont on ne connaît que depuis peu de temps la nature véritable, se rencontre fréquemment dans le désert. Elle a été analysée par M. Berthelot, qui y a trouvé du sucre de raisin, du sucre de canne et de la dextrine, c’est-à-dire une transformation isomérique de la fécule amylacée. La manne médicinale, très sucrée et légèrement purgative, a une origine analogue ; elle est sécrétée par plusieurs espèces de frênes à feuilles rondes, dans le tronc desquels on pratique des incisions pour la recueillir en plus grande abondance. Elle est exploitée en Orient et en Italie ; mais les mêmes arbres, acclimatés en France, cessent d’y laisser exsuder de la manne.

Les varechs que les habitans de nos départemens maritimes vont, à la mer basse, arracher le long des rochers ou ramasser sur les côtes où le flot les a déposés comme des épaves, ne servirent