Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/727

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étudié les curieux phénomènes auxquels donne lieu cette cryptogame microscopique. Placée dans de l’eau sucrée pure, elle décompose le sucre, s’assimile une partie des élémens qui le constituent, se reproduit en nombreuses sporules nouvelles, et transforme le sucre hydraté en alcool et en acide carbonique. Toutefois, après avoir déterminé ces réactions, le ferment ne tarde point à s’épuiser et à périr. C’est que le sucre, ne contenant ni azote, ni soufre, ni phosphore, ni bases alcalines, lui fournit un aliment insuffisant. La levure en ce cas meurt en réalité d’inanition. Déposée au contraire dans du moût d’orge, où elle trouve une alimentation très riche, elle prospère et se multiplie avec une rapidité étonnante. C’est sur cette propriété qu’est basée en Autriche et en Moravie la fabrication de la levure artificielle, levure mieux nourrie, plus robuste, plus énergique que l’ancienne, préférable au point de vue de toutes les applications industrielles, et qui a donné aux brasseries ainsi qu’aux boulangeries viennoises une légitime célébrité.

Dans cette même fabrication de la bière, une plante cryptogame jusqu’ici dédaignée comme application industrielle a récemment trouvé un utile emploi. C’est une algue de mer, le Chondrus polymorphus, plus connu sous la dénomination impropre de lichen carraghen. Le traité sur les brasseries que MM. Bauby et Fournier viennent de publier à Strasbourg contient à cet égard des indications précises et peu connues. La substance mucilagineuse extraite de cette algue sert maintenant en Alsace et dans presque toute l’Allemagne pour clarifier le moût houblonné. Introduite dans ce liquide pendant qu’il est en ébullition, elle lui communique une certaine viscosité, et favorise la coagulation de l’albumine végétale qu’il renferme et qui lui donne une apparence trouble. On obtenait autrefois le même résultat, mais d’une manière moins satisfaisante, au moyen de substances gélatineuses tirées de tissus animaux. Les pieds de veaux, les peaux, les tendons, la matière organique des os, fournissent des gélatines riches en azote, et qui en cette occasion présentent par cela même d’assez graves inconvéniens. A poids égal, elles contiennent moins de matière agglutinante que le lichen carraghen, presque exclusivement composé de chondrose, espèce de mucilage végétal où l’on ne constate que de faibles traces d’azote. La gélatine au contraire a le tort de mêler à la bière des composés azotés qui favorisent le développement d’une acidité désagréable et même d’une légère odeur putride. Ce sont ces mêmes substances qui, très abondantes dans le bouillon ordinaire, le font si rapidement aigrir au contact de l’air. Rien de pareil à redouter avec le Chondrus polymorphus et 30 grammes de cette algue desséchée suffisent pour rendre limpides 10 hectolitres de moût. Un certain