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plante suivant deux rangées horizontales en quinconce dans une couche préparée à cet effet au fond de la carrière. Cette couche en talus est recouverte ensuite d’une chemise de terre extraite du sol même de la galerie et composée par conséquent de calcaire grossier, de débris de coquillages et de restes d’animalcules. Une obscurité suffisante, une humidité moyenne, une température douce et maintenue à 30 degrés centigrades environ, un continuel renouvellement de l’air emportant le gaz acide carbonique exhalé par la végétation cryptogamique, la nourriture complexe, à la fois animale, végétale et minérale, fournie au blanc de champignon par le calcaire et le fumier, toutes les conditions les plus favorables à la fructification rapide du mycélium se trouvent là réunies. Il est vrai que des circonstances contraires et des chances aléatoires peuvent déjouer l’espoir du champignoniste. Les germes reproducteurs se disséminent quelquefois d’une manière fort inégale. Une fermentation ammoniacale peut tout compromettre, et comment la prévenir ? Elle dépend de la présence dans l’air de globules invisibles à l’œil nu. Une fermentation trop active, une température trop élevée, suffisent à détruire d’un coup tous les germes contenus dans la couche et à rendre celle-ci subitement stérile. Il est remarquable qu’à force de surveillance et d’observations pratiques on soit parvenu à donner à une fabrication si menacée une régularité à peu près parfaite. Quand l’opération est bien conduite, on voit le mycélium étendre de toutes parts ses fîlamens entre-croisés, et faire surgir au-dessous de la chemise calcaire sous laquelle ils se ramifient les innombrables produits de la fructification. En soulevant le léger lit de litière qui enveloppe la couche, on peut voir les germes des champignons serrés les uns contre les autres. Chaque jour on recueille ceux qui ont poussé depuis la veille, et chaque jour de nouveaux repoussent avec une rapidité proverbiale. Cela dure jusqu’à ce que la couche soit épuisée, c’est-à-dire sept ou huit mois. Elle finit enfin par perdre la plus grande partie des substances assimilables nécessaires à la croissance du champignon. On la démolit alors, on en utilise les restes à fumer les champs, et on en établit dans la carrière une nouvelle avec du fumier neuf.

Dans ce genre de production, la science a pu jusqu’à un certain point rendre compte des phénomènes successifs utilisés et dirigés par l’homme pour arriver à un résultat déterminé. Il n’en est pas de même quand il s’agit de la culture et de la récolte d’une autre cryptogame autrement précieuse, la truffe. On croit être arrivé, après bien des hypothèses hasardées et contradictoires, à en déterminer la véritable nature, on est même parvenu à établir des truffières artificielles sur plusieurs points de la France ; il n’en est pas moins vrai que l’on marche encore à peu près à tâtons dans ces