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parvenus au quart en moyenne du développement total qu’ils peuvent prendre, ils sont notablement plus riches en azote que les morilles. Autrefois c’étaient les maraîchers de la banlieue de Paris qui étaient exclusivement chargés d’en approvisionner la capitale. Aujourd’hui une industrie spéciale, celle des champignonistes, s’est créée dans les faubourgs, et a rencontré au fond des anciennes carrières à moellons des conditions particulièrement propres au succès de cette culture nouvelle, qui exige de la part de ceux qui s’y livrent des soins assidus et un esprit d’observation judicieux.

Voici comment on y procède : au point où l’on veut faire venir les champignons, on étend sur le sol de la carrière du fumier préalablement soumis à certaines préparations. Les meilleures couches, s’il faut en croire des traditions fort anciennes, se formeraient avec la litière fortement piétinée des lourds chevaux de trait. Plusieurs champignonistes habiles s’accordent à dire que la litière des chevaux entiers est préférable à celle des chevaux hongres, et les circonstances qui accompagnent la production du blanc de champignon sont entourées de tant de phénomènes encore inexpliqués, qu’il est impossible de dire si c’est là un préjugé sans fondement ou une opinion que les progrès de la science arriveront un jour à justifier. Ce fumier est d’abord soumis à la fermentation. On en fait un tas de 1 mètre ou 1 mètre 1/2 de hauteur ; toute la masse ne tarde point à s’échauffer de plus en plus, et acquerrait bientôt une température qui rendrait impossible le développement de tout organisme. On est obligé, pour empêcher des altérations trop profondes, de démolir le tas et de l’étendre à diverses reprises. Quand on juge qu’il est à point, on l’étend et on le laisse refroidir ; on peut alors y distinguer çà et là un mycélium formé de minces filamens blanchâtres et feutrés courant entre les brins de paille. C’est le blanc de champignon ; il constitue la vraie plante, la partie végétative dont les agarics que l’on recueille à la surface de la couche ne sont que la fructification. Les spores de ce mycélium sont contenus dans l’air en même temps qu’une multitude d’autres corpuscules et de fermons, — microzoaires, microphytes, ovules de toute sorte en quantité innombrable. La poussière serrée que l’on voit danser dans un rayon de soleil est ainsi pleine de germes qui se développent dès qu’ils rencontrent un milieu favorable. Lorsqu’on met le fumier en tas, par exemple, c’est sous l’action des fermens contenus dans l’atmosphère ambiante que la masse s’échauffe. En rompant le tas, en exposant de larges surfaces au contact de l’air, on réalise le double avantage de refroidir la litière, d’arrêter la fermentation, et en même temps de fixer un grand nombre de sporules du blanc de champignon sur le fumier ainsi étalé.

On recueille avec soin ce mycélium quand il apparaît, et on le