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LE CHEVALIER.

Vous, ma belle-sœur ! ah ! quel titre, divine marquise ! il blesse mon cœur autant qu’il flatte ma vanité.

LA MARQUISE.

Mais voilà une déclaration d’amour dans toutes les formes.

LE CHEVALIER.

Jamais on n’a joué ce tour-là à un galant homme d’être sa belle-sœur aussi mal à propos.

LA MARQUISE.

Vous extravaguez, chevalier. Je prends mon air imposant, entendez-vous ?

LE CHEVALIER.

Il est dur, madame, d’avoir à bouleverser tous ses sentimens en une minute..

LA MARQUISE.

Il ne faut point tant de remue-ménage, car vous êtes obligé de m’aimer fort tendrement. Vous soupirez ; oh ! ne prenez pas ce ton-là ; gardez votre gaîté, j’en aurai besoin, car votre frère n’a pas été traité en aîné sur cet article.

LE CHEVALIER.

C’est-à-dire que vous me chargez des plaisanteries de la noce. En vérité, marquise, vous êtes impitoyable, vous abusez de vos droits.

LA MARQUISE.

Finissons ce persiflage. Voulez-vous, mon cher petit beau-frère, que je vous mène à l’Opéra ? C’est ma semaine, il faut bien y faire un tour. Vous avez le meilleur goût du monde, nous repasserons chez les marchands, vous verrez mes emplettes, (Elle parle à ses gens.) Il faudra dire au comte, quand il viendra, les raisons qui me font différer le mariage de quelques jours, et qu’il revienne souper ce soir.

C’est précisément le chevalier qui finit au troisième acte par se marier avec la marquise. Lorsqu’elle apprend que le comte aime et veut épouser sa suivante Céphise, elle est d’abord indignée, quoique Céphise soit reconnue une fille de condition, et quand le père des deux jeunes gens lui propose le chevalier en échange, elle répond : « Votre fils cadet à une femme comme moi ! » Mais aussitôt que le père a levé la difficulté en philosophe, c’est-à-dire en déclarant qu’il fait à chacun de ses fils une part égale de ses biens, elle répond à son tour philosophiquement : « Je me dois la juste vengeance d’accepter vos offres, et je préfère le chevalier, dès qu’il est aussi riche que son frère. »

Nous glisserons sur les deux comédies qui suivent celle-ci. La Vénitienne, qui contient aussi des détails curieux, nous semble un peu embrouillée. La pièce en un acte intitulée les Chevaliers de la