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Lucette, qu’une seule affaire au monde, mon cher oncle, qui serait de vous adorer et de vous divertir. — Ici intervient la soubrette Agathe, qui ajoute : Et de vous faire des petits-enfans qui seraient si sages, si sages, si bien morigénés ! — Géronte s’attendrit. — Eh ! mon oncle, s’écrie Lucette, votre cœur s’ouvre pour nous, laissez-le agir. Chloé parle à son tour et dit : Voila qui est terminé, je connais mon bon oncle. Jeunes amans, abrégeons les lieux-communs. Lindor, il serait plaisant que le mariage nous ressuscitât.

Dans le Père raisonnable, autre comédie en trois actes, l’auteur associe aux nuances piquantes, légères et gracieuses de la pièce précédente une nuance philosophique qui est aussi dans l’esprit du temps. Le père, représenté encore par le marquis d’Ussé, est cette fois un père philosophe d’une naissance distinguée, qui vivait assez pauvre en province lorsqu’il a fait un héritage considérable. Il est venu à Paris avec ses deux fils, et se fait passer pour leur intendant afin de leur laisser toute liberté de se conduire à leur fantaisie. Son fils aîné, le comte de Sancerre-Nivernois, s’est d’abord laissé engager dans un brusque projet de mariage avec une marquise très-brillante qu’il n’aime pas. C’est son père, son intendant supposé sous le nom de M. de la Montagne, qui a arrangé ce mariage avec l’intendant de la marquise, et celle-ci, un peu piquée de la froideur du comte de Sancerre, a immédiatement accepté le projet des deux intendans, en feignant d’ailleurs la plus grande indifférence pour le comte. Le mariage doit se faire le soir même ; mais, au moment de conclure, le comte s’aperçoit que son cœur appartient tout entier à la suivante de la marquise, à Céphise, dont le rôle ingénu et non pas égrillard est ici confié à Mme de Rochefort, Il croit que Céphise, qui se trouvera à la fin de la pièce appartenir à une grande famille, est de basse condition ; mais cet obstacle ne l’arrête pas, et comme elle est aussi candide que charmante, il est résolu à l’épouser en rompant son mariage avec la marquise. Quand Céphise lui dit : « Un homme de votre rang ne serait-il pas déshonoré dans le monde en épousant une fille de ma sorte, il répond : En quittant le pays des chimères, on rentre dans les droits de l’humanité. Je vous estimerais assez pour vous proposer notre retraite en province dès que nous serions mariés ; mais, si je n’écoutais que mon cœur, loin de céder à ces vains préjugés, je mettrais ma gloire à les braver, et je les aurais bientôt soumis en vous faisant paraître.. »

CÉPHISE.

Puis-je ajouter foi à de pareils discours ? Quel plaisir prenez-vous à vous jouer si longtemps de ma crédulité ?