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remarque à ce sujet avec une malice qui ne lui est pas habituelle que Mme de Forcalquier est bien jolie, et que Brimborion est bien près de Bellevue[1].

Nous avons du reste à alléguer en faveur des bonnes qualités de M. de Forcalquier quelque chose de mieux que la sympathie intellectuelle qu’il inspire à Mme de Pompadour : c’est sa liaison avec un homme de lettres qui, sans être aussi paysan du Danube qu’il l’affectait quelquefois, n’aurait pas été d’humeur à subir longtemps les caprices d’un patricien trop présomptueux. Nous voulons parler de Duclos. Ce philosophe moraliste, historien et romancier, appartient également aux deux périodes de la vie de Mme de Rochefort. Après avoir été accueilli et patronné par les Brancas à une époque où il était encore inconnu, il resta fidèle à la personne qui lui représentait ses amis morts lorsque celle-ci eut perdu la grande existence qu’elle devait à son père et à son frère. Après l’avoir vu débuter à l’époque où nous sommes comme acteur infatigable dans des comédies de société, nous le retrouverons plus tard dans le salon du Luxembourg avec son impétuosité, ses défauts de forme, son langage un peu brutal et sa grosse voix. Le comte de Forcalquier a peint Duclos avec une sagacité affectueuse qui lui fait honneur à lui-même, car elle prouve qu’il était capable d’amitié, sans préoccupation aristocratique, et capable aussi de préférer un caractère foncièrement honnête au vernis des belles manières. Duclos, trouvant, dit-il, ce portrait trop flatté, entreprit de se peindre lui-même, et le plaisant, c’est que sans rien ajouter aux défauts que lui reproche M. de Forcalquier et en les atténuant au contraire, il précise, développe, grossit naïvement les qualités que son ami lui reconnaît. L’intimité entre eux était d’ailleurs assez grande pour que, dans cet état maladif qui rendit ses dernières années si pénibles, M. de Forcalquier acceptât en 1746 de se faire accompagner aux eaux de Cauterets par Duclos, qui assistait sa sœur, Mme de Rochefort, dans les soins qu’elle lui rendait. L’éditeur de la dernière édition des œuvres complètes de Duclos, imprimée en 1821, a publié quelques fragmens de lettres adressées à cette date par Mme de Forcalquier, qui était restée à Paris, à sa belle-sœur et à son mari. Elles nous montrent avec quelle ardeur les Brancas, après avoir aidé Duclos à entrer à l’Académie des Inscriptions avant qu’il eût aucun titre à cette distinction[2], s’occupent de le faire arriver à l’Académie française.

  1. Le château de Bellevue était alors habité par Mme de Pompadour, et par conséquent le roi y allait.
  2. Ce ne fut en effet qu’après avoir conquis le titre que Duclos s’occupa de le mériter en écrivant pour cette académie sur des matières d’érudition plusieurs mémoires qui ont du mérite.