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teint, un visage rond, de grands yeux, un très beau regard, et tous les mouvemens de son visage l’embellissent. » C’est cette belle-sœur de Mme de Rochefort, redevenue veuve en 1753, dont il est question souvent dans la correspondance de Mme du Deffand, qui l’appelle la bellissima, quelquefois aussi la bêtissima, car, tout en la fréquentant beaucoup, elle ne la ménage pas plus que ses autres amies. L’intimité de Mme de Rochefort avec sa belle-sœur ne paraît pas avoir survécu à l’existence de son frère.

Durant ces dix années et surtout dans la période qui précède la mort de son père (1750), Mme de Rochefort vécut d’une existence animée dont la trace se retrouve tout à la fois et dans nos documens particuliers et dans les témoignages contemporains. Nous avons d’abord celui de Montesquieu, écrivant à Duclos, un des habitués de l’hôtel de Brancas, à la date du 15 août 1748, ce passage significatif : « Les soirées de l’hôtel de Brancas reviennent toujours à ma pensée, et ces soupers qui n’en avaient pas le titre, et où nous nous crevions. Dites, je vous prie, à Mme de Rochefort et à M. et Mme de Forcalquier d’avoir quelques bontés pour un homme qui les adore. Vous devriez bien me procurer quelques-unes de ces badineries charmantes de M. de Forcalquier que nous voyions quelquefois à Paris, et qui sortaient de son esprit comme un éclair. »

Plusieurs lettres écrites par le président Hénault à une date antérieure, en 1742, et qui ont été publiées pour la première fois en 1809, contiennent d’assez nombreux détails sur les Brancas, sur Mme de Rochefort et sur leur société, qui se réunit alors non plus à Paris, mais au château de Meudon. Le maréchal y était installé pendant l’été avec sa famille dans un appartement qui lui avait été donné par le roi. Le président Hénault, foncièrement épicurien, quoiqu’il n’aimât point à être célébré par Voltaire pour ses soupers autant que pour sa chronologie, ne s’arrange pas aussi facilement que Montesquieu du cuisinier du maréchal ; mais si la table, suivant lui, laisse à désirer, la société de Meudon lui plaît fort, les deux petites femmes, c’est ainsi qu’il nomme Mme de Rochefort et Mme de Forcalquier, ne contribuent pas peu à l’attirer ; la gaîté douce et fine de la première l’aide à subir joyeusement les inégalités, les fantaisies et les espiègleries de la seconde, dont un des passe-temps favoris consiste, par exemple, dans la fête des chapeaux, ce qui veut dire qu’elle attend les visiteurs sur la terrasse du château, s’amuse à prendre tous leurs chapeaux et à les faire voler, dit Hénault, de la terrasse en bas, d’environ cinq cents toises.

Avec le président Hénault, on voit figurer dans les réunions de Meudon le marquis d’Ussé, son ami, l’abbé de Sade, abbé très mondain, si l’on en juge par les lettres que lui adresse Voltaire, mais