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de Naples, établis en France sous Charles VII, sont brillamment représentés au XVIe siècle par André de Brancas, gouverneur de Rouen, amiral de France, seigneur de Villars, un des plus opiniâtres et des plus vaillans chefs de la ligue ; Sully a dit de lui qu’il était la droiture et la bravoure mêmes, mais que ses premiers mouvemens étaient d’une extrême violence. Dès le XVIe siècle, les Brancas de France étaient divisés en deux branches. L’amiral de Villars appartenait à la branche cadette, devenue bientôt, comme cela arrivait souvent, plus riche et plus notable que l’autre. L’amiral étant mort non marié, son frère, George de Brancas, obtint en 1652 l’érection de la terre de Villars en duché-pairie. C’est à cette branche cadette qu’appartenait le comte de Brancas, célèbre par ses distractions, et qui a servi de modèle au Ménalque de La Bruyère. Suivant Saint-Simon, ce Brancas, qui était le neveu du premier duc de Villars, avait été fort lié avec Mme Scarron, qui s’en souvint toute sa vie. Le neveu de celui-là, troisième duc de Brancas-Villars, ne fut célèbre que par son cynisme spirituel et désordonné. Il fut un de ces compagnons de débauche du régent connus sous le nom de roués[1]. Quant au père de Mme de Rochefort, Louis de Brancas, des comtes de Forcalquier, marquis de Céreste, chef de la branche aînée, il naquit le 19 janvier 1672, et mourut en 1750 lieutenant-général de Provence, commandant en chef de la province de Bretagne, grand d’Espagne et maréchal de France. Saint-Simon nous le peint comme un homme très distingué, brave à la guerre, habile dans les négociations et d’autant plus ambitieux qu’il était né pauvre. « Il était, dit-il, l’aîné de quinze ou seize frères ou sœurs avec 7 ou 8,000 livres de rente entre eux tous. »

Le maréchal de Brancas, marié à une Brancas-Villars sa cousine, avait une famille assez nombreuse, trois fils et quatre filles. Marie-Thérèse, qui était le sixième de ses sept enfans, naquit à Paris le 2 avril 1716. Elle fut élevée au couvent comme l’étaient alors toutes les jeunes filles de son rang. Quoiqu’elle ait composé un sermon en trois points avec des citations latines, l’épithète de savante, que lui donne Walpole, n’est pas rigoureusement exacte ; elle n’est méritée que par l’aptitude de son esprit à traiter avec la même facilité les questions les plus sérieuses et les sujets les plus frivoles. Le duc de Nivernois, qui lui avait fourni les citations de ce sermon, nous apprend que non-seulement elle ne savait pas le latin, mais, ce qui était plus rare en ce temps-là, qu’elle ne connaissait aucune

  1. La pointe de bizarrerie plus ou moins déréglée particulière à cette branche des Brancas s’est perpétuée et reproduite avec éclat à la fin du XVIIIe siècle dans la personne du comte de Lauraguais, l’excentrique amant de Sophie Arnould, mort sous la restauration duc de Brancas.