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Le président Hénault nous a laissé de son côté deux portraits de Mme de Rochefort. L’un date de la jeunesse ide cette aimable femme, et, quoiqu’il soit un peu long, il mérite d’être cité presque tout entier.


« Pour commencer par la figure de Mme la comtesse de Rochefort, dit le président, elle n’a rien de frappant ni qui surprenne, mais elle acquiert à être regardée ; c’est l’image du matin, où le soleil ne se lève point encore, et où l’on aperçoit confusément mille objets agréables. Quand elle parle, son visage s’éclaire ; quand elle s’anime, sa physionomie se déclare ; quand elle rit, tout devient vivant en elle, et on finit par aimer à la regarder, comme on se plaît à parcourir un paysage où rien n’attache séparément, mais dont la composition entière est le charme des yeux.

« On ne comprend pas comment, en arrivant dans le monde, Mme la comtesse de Rochefort a pu connaître si tôt et ses usages et les hommes qui l’habitent ; tout a l’air en elle de la réminiscence ; elle n’apprend point, elle se souvient, et tout ce qui la rend malgré cela si agréable aux autres, c’est que sa jeunesse est toujours à côté de sa raison ; elle n’a l’air sensé que par ce qu’elle dit, et jamais par le ton qu’elle y donne ; elle juge comme une autre personne de son âge danse ou chante ; elle ne met pas plus de façon à raisonner qu’à se coiffer ; aussi est-elle aussi naturelle dans ses expressions que dans sa parure ; la coquetterie est un défaut qu’elle n’aura pas de mérite à vaincre, elle ne la connaît pas plus que la recherche des pensées et le tour maniéré des expressions.

« Quelque indiscrétion qu’il y ait à oser prononcer sur le caractère des jeunes femmes, on peut quasi promettre à Mme la comtesse de Rochefort de n’être jamais malheureuse par les passions folles et inconsidérées. Si jamais un homme parvenait à lui plaire, j’ose l’assurer qu’il n’aura à craindre ni orages, ni écueils ; son âme est aussi constante que décidée. Ce qui doit le plus surprendre en elle, c’est la fermeté de son caractère ; ses résolutions sont promptes et justes ; l’expérience en fait d’esprit naît ordinairement de la comparaison qui prépare et qui assure nos jugemens, elle a su se passer de tous ces secours présentés aux âmes ordinaires ; elle jugera sûrement du premier ouvrage, tout comme elle a pris des partis sensés dans des affaires où, toute jeune qu’elle est, elle s’est trouvée obligée de se décider par son seul conseil. »


À ce portrait, il faut joindre une esquisse du même peintre représentant le même modèle à un âge plus avancé.


« Mme de Rochefort, dit le président dans ses Mémoires récemment publiés, est digne de l’amour et de l’estime de tous les honnêtes gens… Les grâces de sa personne ont passé dans son esprit, elle a fait des amis