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concordat n’existe plus, et que les évêques ne sont assemblés que pour aviser aux moyens de pourvoir aux sièges vacans et à ceux qui viendront à vaquer conformément à ce qui se pratiquait sous Charlemagne[1]. » C’était là un premier signe de colère et comme une sorte d’avertissement donné aux prélats opposans, afin qu’ils ne s’aventurassent point à sortir du cercle dans lequel il entendait les renfermer. Ce n’était pas tout. Cette adresse qu’il avait pris la peine d’inspirer directement lui-même, il ne voulait plus en entendre parler. Il ne lui convenait même plus de recevoir le dimanche suivant le concile, qui devait ce jour-là lui être présenté en corps. Il ne consentait même plus à permettre qu’il se réunît pour discuter soit le mandement dont il était en train de s’occuper, soit tout autre sujet, sans en avoir préalablement reçu l’autorisation, qu’il lui ferait passer, quand cela lui plairait, par son ministre des cultes. Ses discussions étaient aussi oisives que dangereuses. Dorénavant il ne devait plus songer qu’à répondre au message impérial à propos de l’institution canonique, et pour cela Napoléon lui donnait huit jours. Toutes ces mesures ab irato furent prises à l’instant même, et les ordres expédiés en conséquence.

Le samedi 29 au matin parvint aux évêques un billet sans date par lequel le cardinal Fesch les prévenait que la présentation à l’empereur n’aurait pas lieu. Cependant quelques prélats ne se rendirent pas moins, le lendemain dimanche, à la messe impériale. L’empereur affecta de recevoir certains d’entre eux avec beaucoup de hauteur et de dédain, comme s’il n’attachait pas la moindre importance à ce qu’ils pouvaient dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire ; il affecta de traiter les autres avec une bienveillance étudiée. M. Borelli, évêque de Côme, qui joignait une grande simplicité à beaucoup de courage, ayant osé lui donner à entendre qu’il serait convenable d’envoyer une seconde députation au pape, et lui parler avec émotion des souffrances de Pie VII : « Oui, c’est un bon homme, dit négligemment Napoléon. — C’est non-seulement un bon, mais un saint homme, » reprit le prélat. Plusieurs évêques italiens se plaignirent hautement à lui qu’on eût falsifié dans le Moniteur les adresses imposées, il y avait quelques mois, aux chapitres de leur pays. L’effet qu’il avait voulu en tirer étant produit, l’empereur parut se soucier assez médiocrement de leurs plaintes. Après la messe, apercevant dans un des salons un groupe d’évêques qui s’entretenaient des affaires du jour, il s’approcha d’eux et leur dit : « J’ai voulu faire de vous des princes de l’église, c’est à vous de voir si vous n’en serez désormais que les bedeaux. Le pape refuse

  1. Exposé de la situation de l’empire de 1811.