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une adresse à l’empereur des questions qui n’avaient pu être examinées dans les différentes sections, comme l’exigeait expressément le cérémonial traditionnel de tous les conciles. Il termina en exprimant le vœu que tout ce qui avait trait à la doctrine fût retranché du projet d’adresse, et que les matières qui s’y rapportaient fussent toujours préalablement soumises à l’examen de tous les évêques. Se ralliant enfin à l’opinion émise par quelques prélats français, il demanda que l’adresse se bornât à porter au pied du trône les hommages de fidélité et de dévoûment dus au souverain. Cette manifestation inattendue des sentimens du clergé italien étonna d’autant plus tous les auditeurs que l’évêque de Brescia était aumônier de l’empereur pour l’Italie. Les doctrines développées par le savant prélat ressemblaient d’ailleurs bien peu à celles qui avaient rempli les adresses naguère insérées dans le Moniteur, et personne n’en pouvait croire ses oreilles. Au sein de la majorité du concile, la satisfaction fut si grande de voir le secours inespéré qu’apportait aux adversaires du projet d’adresse l’adhésion de tant de prélats sur lesquels on ne comptait guère, que des applaudissemens se firent entendre dans la salle aussitôt que le cardinal Spina eut achevé de donner lecture à ses collègues de la traduction française du mémoire de M. Nava. Le cardinal Maury, très sensible au coup qui venait d’être porté à ses thèses favorites, se plaignit vivement qu’on eût osé, dans un concile composé en si grand nombre de prélats français, battre des mains en entendant soutenir des doctrines qui étaient la négation absolue de toutes les traditions de l’église gallicane. Cela était vrai ; mais telle était l’animation des esprits que les différences antérieures paraissaient maintenant de bien peu de valeur aux membres de cette assemblée qui cherchaient à rallier dans un commun effort gallicans et ultramontains, pour défendre tous ensemble non-seulement l’autorité menacée du saint-siège, mais la liberté et la personne même du chef de la catholicité.

Au signal donné par l’évêque de Brescia, la discussion avait repris de plus belle. Les décrets du concile de Trente furent remis de nouveau sur le tapis en opposition aux articles de la déclaration de 1682. Tout aussitôt la bulle d’excommunication lancée par Pie VII contre l’empereur fut à son tour jetée à la tête des opposans, car c’était le grand cheval de bataille des prélats amis de la cour. Le cardinal Maury, désireux de reprendre une revanche éclatante de son échec de la veille, soutint que le saint-père avait en cette occasion outre-passé ses pouvoirs. Jusqu’alors aucun membre du concile n’avait osé prendre ouvertement la défense de cet acte du souverain pontife, car c’était s’exposer aux plus violentes colères du chef de l’empire français. Pareille considération n’était point faite