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cour, de mal parler devant lui de l’évêque de Chambéry, il ne parut pas approuver du tout leur langage. La démarche généreuse de ce prélat ne déplaisait pas apparemment à cet instinct d’honneur qui d’ordinaire reste toujours si vivace chez les hommes de guerre. « On n’est jamais blâmable, leur répliqua Napoléon assez sèchement, pour demander la liberté de son chef[1]. »

Jusqu’à quel point, l’annonce de ces dispositions du souverain, relativement plus conciliantes qu’on ne s’en était flatté, agit-elle sur les membres de la pieuse assemblée, nous ne saurions le dire bien précisément. Il semble qu’elle donna un peu plus de confiance aux évêques formant ce qu’on appelait alors le parti de l’opposition, quoique cette qualification ne fût, à vrai dire, justifiée ni par les circonstances ni par les véritables sentimens de ceux auxquels elle était appliquée. Ce ne fut même pas du groupe des prélats français qui dans la dernière séance avaient le plus vivement critiqué le projet de M. Duvoisin que partirent les premières attaques. Cette fois, à la surprise générale, les évêques italiens ouvrirent le feu. Ils ne venaient à aucun degré faire acte de parti, car ils étaient la plupart partisans très zélés du gouvernement ; mais on avait tant parlé devant eux de l’église gallicane, de ses maximes, des fameuses déclarations de 1682, qu’ils s’étaient crus obligés de venir exposer à leur tour quelles étaient sur les questions traitées les doctrines particulières à l’église italienne. M. Nava, évêque de Brescia, commença par lire, au nom d’un grand nombre de ses collègues d’outre-monts, un mémoire longuement raisonné contre l’admission des quatre articles et contre les conséquences que M. Duvoisin prétendait en tirer. Il s’appliquait à prouver que la plus grande partie de la catholicité rejetait les principes de l’assemblée de 1682, que ses collègues d’Italie et lui-même avaient continuellement écrit, enseigné et souvent protesté contre ce qu’on appelait les libertés de l’église gallicane. Il leur était par conséquent impossible de signer une adresse qui contiendrait deux des articles de ladite déclaration et les propositions encore plus dangereuses qu’on voulait tirer de ces deux premiers articles. Il cherchait à démontrer qu’il y avait une grave irrégularité et beaucoup d’inconvéniens à introduire dans

  1. Mémoires historiques de M. Jauffret, t. II, p. 44. — Nous croyons que l’empereur était parfaitement sincère dans cet hommage rendu à l’évêque de Chambéry. Plus tard il avait cessé de l’être, lorsque, dans les conversations tenues et les notes dictées à Sainte-Hélène, il s’est complu à répéter que le concile se serait honoré à ses yeux, s’il avait osé lui demander publiquement la délivrance de Pie VII. Ainsi que nous l’avons constaté par les instructions écrites données à son ministre des cultes, il avait pris toutes les précautions pour que cela fût impossible, et c’était par l’ordre positif de Napoléon que, bien malgré lui et contre son propre sentiment, le cardinal Fesch avait dû faire tout ce qui dépendait de lui pour empêcher cette démarche.