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contenté d’échauffer sous main avant l’ouverture de la séance le zèle de tous ses collègues[1]. Assez triste du résultat définitif de ses efforts, mais un peu consolé par l’insertion ainsi glissée au procès-verbal, il ne put s’empêcher de faire remarquer tout bas à son voisin, le cardinal Spina, « qu’après tout la motion n’était qu’ajournée, » se réservant sans doute de la reprendre un jour pour son propre compte.

Quand on eut décidé qu’on continuerait la discussion du projet d’adresse, on s’aperçut qu’un de ces brusques reviremens d’opinion fréquemment remarqués dans toutes les réunions délibérantes, et dont les pères du concile devaient plus d’une fois donner eux-mêmes le spectacle, venait de s’opérer au sein de l’assemblée. Les prélats allaient maintenant se montrer d’autant moins disposés à subir l’influence indirecte du chef de l’état qu’ils venaient de faire preuve à son égard d’une complaisance qui leur avait plus coûté. Les Italiens, qui n’avaient peut-être pas très bien saisi le sens de ce qui venait de se passer, commencèrent l’attaque en réclamant beaucoup de changemens, d’ailleurs assez insignifians, au projet de l’évêque de Nantes. M. de Broglie, voyant la discussion sérieusement engagée, demanda qu’on insérât dans l’adresse le préambule de la déclaration du clergé en 1682. C’était, si nous ne nous trompons, le passage naguère cité par l’abbé Émery en présence de l’empereur dans la solennelle séance du conseil d’état où il avait été appelé peu de temps avant sa mort. Ce préambule de la déclaration contient en effet l’affirmation la plus positive des droits et des privilèges du saint-siège. L’évêque de Gand était suspect d’opposition, et son avis ne fut point soutenu. Peu de temps après, l’évêque d’Angers, M. de Montault, reprit la même motion avec plus de succès, mais sans obtenir encore ce qu’il demandait. Enfin l’archevêque nommé de Florence, M. d’Osmond, développa doucement, en termes également respectueux pour le pouvoir civil et pour le saint-siège, une thèse à peu près identique. Ce prélat ne pouvait, lui, être accusé d’aucune arrière-pensée. Ce qu’il proposait d’emprunter au préambule de la déclaration de 1682 parut convenir si bien aux circonstances que le concile décida immédiatement qu’on l’insérerait dans l’adresse. Plusieurs points de cette même déclaration cités par M. Duvoisin rencontrèrent beaucoup de difficultés. L’évêque de Nantes, toujours sur la brèche, fit de son mieux pour parer aux objections à force de correctifs, mais le plus souvent sans y réussir. Quand vint le paragraphe de l’adresse qui parlait de la

  1. Relation manuscrite du concile national trouvée dans les papiers de M. de Broglie, évêque de Gand.