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De si aigres discussions n’avançaient pas beaucoup les affaires. Elles marchaient d’autant moins vite que le concile avait nommé, on ne sait pourquoi, une autre commission qui devait préparer un certain mandement dont les premiers momens passés, il ne fut plus jamais question. Le cardinal Fesch avait voulu que la commission de l’adresse et celle du mandement se réunissent ensemble. A l’une de ces séances, le projet mis en avant par M. Duvoisin fut relu en entier et discuté article par article. M. de Broglie ouvrit l’avis que l’on devait commencer par demander au nom du concile la liberté de Pie VII, et se borner pour tout le reste à des hommages de dévouaient, de fidélité et de respect pour la personne du souverain ; mais il ne fut pas appuyé. Il lui fut répondu, ce qui n’était que trop vrai, que l’empereur voulait autre chose, et que sans cela il se mettrait dans une grande colère. En vain M. de Broglie remontra qu’il y avait des choses plus redoutables encore pour des évêques que la colère du prince, que tout s’était perdu et se perdrait encore de plus en plus par la faiblesse des évêques ; en vain il prédit, et en cela du moins il ne fut pas le seul, que l’adresse, telle qu’elle était rédigée, ne passerait jamais au concile. Les membres de la commission ne voulurent jamais aller aussi loin que l’évêque de Gand ; ils se contentèrent de retrancher du texte primitif une certaine quantité de phrases et d’expressions qu’ils jugeaient malsonnantes. Quant à la question de l’excommunication, longuement et directement traitée dans le projet d’adresse, ils se bornèrent à poser certains principes généraux. De ce travail de révision, de cette cote mal taillée entre l’approbation et la critique, il sortit une pièce assez informe que l’évêque de Nantes avouait ne plus lui plaire du tout. Personne au fond n’en était satisfait, « car, dit notre relation manuscrite, la crainte de se compromettre avec l’empereur avait affaibli beaucoup l’expression des pensées de la majorité de la commission, et lui avait fait conserver beaucoup trop d’une adresse qu’il eût fallu rejeter tout entière[1]. » Quant à M. de Broglie, il déclara que jamais il ne signerait cette adresse.

Pendant tout le temps pris par ces discussions, le concile avait comme chômé, attendant que la commission de l’adresse eût fini son travail. Il se réunit de nouveau dans le courant de la dernière semaine de juin, et tint coup sur coup deux ou trois congrégations générales. Quel accueil les prélats réunis allaient-ils faire au projet assez considérablement modifié de l’évêque de Nantes ? L’attente de cette discussion préoccupait justement l’empereur et les prélats

  1. Relation manuscrite du concile national de 1811 trouvée dans les papiers de M. de Broglie, évêque de Gand.