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affection, nous a confessé plus tard l’un de ces évêques, plus clairvoyant que ses collègues, les membres de la commission s’étaient beaucoup avancés… L’anxiété avait gagné le clergé. La séquestration du pape le faisait souffrir, et le détachait beaucoup de celui qui en était l’auteur. L’incertitude, la frayeur, fomentées par les ennemis de l’empire, menaçaient de jeter quelque trouble dans une réunion où les esprits devaient s’échauffer tout naturellement les uns les autres par cela seul qu’ils seraient plus rapprochés. Il était à craindre aussi que des influences détournées, invisibles, ne s’insinuassent parmi eux et ne finissent par les diriger même à leur insu… Placés entre le pape et Napoléon, les évêques penchaient vers le premier de tout le poids de leurs inclinations et de la conformité de leur état. Les malheurs de Pie VII ne pouvaient qu’avoir ajouté à l’attachement et au respect qui sont les sentimens naturels de l’épiscopat à l’égard du souverain pontife, et qui ont toujours fait partie des habitudes de celui de France. D’ailleurs, entre un pape et un prince temporel, surtout quand il est suspect de philosophie, quel clergé balancera jamais ? Quel clergé croira jamais tout à fait au prince qu’il suppose ne pas croire tout à fait en lui ? Napoléon se conduisait en cette occasion comme l’eût fait Louis XIV ; mais il était loin d’être dans la même position[1]. »

Cependant, si Napoléon, ainsi que le remarque judicieusement l’auteur des Quatre Concordats, n’était pas à l’égard des prélats de son empire dans la même situation que le dévot monarque qui n’hésitait pas à prêter ses soldats à l’église catholique afin de l’aider à convertir les protestans, il s’en fallait également de beaucoup que le clergé de 1811, par sa composition et par son esprit, fût semblable à celui de l’ancienne monarchie. La France, sous le règne de Louis XIV, possédait un épiscopat non-seulement fameux par la science et par la juste renommée des Bossuet et des Fénelon, mais aussi très haut placé dans la considération des contemporains par l’illustre origine, par la grande existence territoriale, par l’influence individuelle, et souvent par la fortune personnelle considérable de la plupart de ses membres. Prise en corps, l’église gallicane était alors honorée dans toute la catholicité à cause de son mérite incontesté, de sa notoire indépendance. Dans l’opinion générale, comme à ses propres yeux, elle était véritablement.capable de comprendre, de balancer, de défendre tour à tour avec la même puissance et avec le même succès les droits du prince temporel qui trônait alors à Versailles et ceux du chef spirituel qui résidait à Rome. Combien tout cela était changé, et qu’il était loin d’en être encore ainsi ! Le

  1. L’abbé de Pradt, Histoire des Quatre Concordats, t. II, p. 483.