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expliquer avec autant de précision que possible quelle était, à l’égard du chef de l’état, du clergé et du public de cette époque, la position des prélats solennellement réunis dans cette assemblée, convoquée si fort à l’improviste et non moins brusquement dissoute.

Ainsi que nous l’avons constaté dans notre précédente étude[1], la composition du concile était aussi incomplète qu’irrégulière. En principe, il devait être formé de l’épiscopat des contrées soumises à la domination de l’empereur Napoléon tant en France qu’en Italie et en Allemagne. Alors même que les titulaires de ces sièges auraient tous été appelés à Paris, leur concours dans cette capitale n’aurait pas encore constitué à beaucoup près un concile œcuménique, car jamais on n’a appelé de ce nom que l’assemblée générale de tous les évêques de la chrétienté présidés par le saint-père ou par un de ses légats. Suivant la tradition catholique, aux conciles œcuméniques seuls appartient le droit de prononcer sur les questions de dogme ou de discipline générale. A défaut d’une pareille autorité, les prélats que le tout-puissant maître de la France venait de placer sous la présidence de son oncle le cardinal Fesch pouvaient-ils au moins revendiquer les privilèges encore considérables, quoique beaucoup plus restreints, d’un concile national ? Cela même était assez douteux. En ce qui regardait la France, c’était bien en effet un concile national, car, à l’exception de l’évêque de Séez, contraint de se démettre, tous les prélats de l’empire avaient été régulièrement convoqués. Il n’en avait été ainsi ni pour l’Allemagne ni pour l’Italie. C’était moquerie de considérer le clergé des provinces situées de l’autre côté du Rhin comme dûment représenté dans un concile où il comptait au plus quatre ou cinq évêques. Cela n’était pas beaucoup plus sérieux à l’égard de l’Italie, alors que l’évêque même de Rome, chef suprême de la catholicité, était prisonnier à Savone, et que treize des membres du sacré-collège, dépouillés de leur pourpre, demeuraient placés sous la surveillance de la police impériale. Parmi les prélats des pays d’outre-monts, un peu moins de la moitié avaient été mandés à Paris ; les autres avaient été ou exclus de la liste comme suspects, ou enlevés de force de leurs diocèses pour être transportés sous escorte de gendarmes dans quelques villes de France où l’empereur les retenait encore.

Tout avait donc été nouveau et anormal dans la convocation du concile. Ce qui était non moins fâcheux, la tradition, cette règle de tout temps chère à l’église qui préside d’ordinaire sans nulle contestation au gouvernement des affaires religieuses, ne fournissait aucun précédent qui fût directement applicable aux circonstances

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.