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a percé les ténèbres dont je m’environnais avec une si folle confiance. Aujourd’hui je ne veux pas mourir la conscience chargée de tant de mensonges, et sans avoir révélé à l’altissime conseil des dix tout ce qui concerne ma naissance, mon apparentage et les malheurs de ma race. Puissiez-vous, très nobles seigneurs, excuser mes erreurs en songeant à ma jeunesse et aux circonstances étranges parmi lesquelles j’ai vécu depuis dix ans ! Puisse la sincérité de mes aveux et de mon repentir toucher le cœur de notre magnanime prince et de la suprême giunta !

« Je déclare et jure par la très sainte Trinité que, dans ce simple exposé, j’ai dit sans réserve aucune la vérité tout entière. »


IV

Le 23 du mois de mai fut publié dans tout l’état vénitien un décret du conseil des dix qui, dû certainement aux instances pressantes de Francesco Contarini, n’est pas étranger au procès criminel de Pasquale Ziobà. Il nous paraît donc convenable d’en donner le texte.

« Les dix en conseil. — Il s’est introduit récemment de tels abus dans l’administration de nos prisons que cette administration, vraiment indigne de son ancien renom, est plutôt devenue une source de méfaits, d’homicides et d’autres énormités par la corruption de nos agens. C’est ce qui est apparu dans ces derniers temps, à la grande offense de la majesté divine, de la justice humaine, et à la honte de l’illustrissime république.

« Desquels abus ayant connaissance certaine, et voulant y mettre fin, avons décrété que, nonobstant les mauvaises coutumes peu à peu introduites dans les prisons des cinque della pace (où certains détenus pour des dettes insignifiantes ont couru risque de la vie), nul prisonnier dorénavant ne devra être lésé en sa personne, maltraité ou meurtri sans décision préalable, comme aussi à l’avenir aucun nom ne devra figurer sur la liste affichée par ordre des cinque, pour une dette n’excédant pas la somme de cinquante lire. Et justice aura son cours contre toute personne ayant blessé ou tué quelque prisonnier, tout comme s’il s’agissait d’un citoyen libre.

« Quant aux prisonniers dont la dette excède cinquante lire, le présent décret ne change rien à leur condition actuelle, vu qu’il ne convient pas de mitiger la peine due à la mauvaise foi, et de nuire ainsi à la sécurité des transactions. Et décrétons en outre pour l’avenir que nul détenu inscrit sur la liste des cinque ne sera mis en liberté qu’il n’ait payé jusqu’à la dernière baïoque la somme dont il est débiteur. Encore faudra-t-il pour cela un ordre de deux