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Gambara ai capi del’ eccelso conseïo dei dieci, scritta con umiltà, circa i casi di Brescia nel anno 1546, e la morte d’Antonio Toldo, in Venezia.


III

« Excellentissimes seigneurs, je soussigné, Pasquale Gambara, implore à genoux la clémence de ce très magnifique état, dont je suis l’infortuné fils égaré en des voies mauvaises. Privé dès mes plus jeunes ans de mes guides et conseillers naturels, j’ai commis de graves erreurs que je viens confesser humblement au pied de ce noble tribunal, afin que la sincérité de mon langage et la profondeur de mon repentir me recommandent à la pitié de mes juges. Vos excellences ne sauraient ignorer que mon père, ayant épousé à Brescia les intérêts de la faction espagnole, s’est vu dépouillé de ses domaines, lesquels ont été donnés à Gian-Giacomo Trivulzio. Peu avant la prise de ma ville natale, ma mère nous avait été ravie par la mort. Mon oncle, uberto Gambara, qui se disposait à partir pour Rome, où se trouvait mon père, alors exilé, mort depuis ce temps, me confia secrètement aux soins d’une paysanne des environs de Bassano, Margharita Cogni, autrefois ma nourrice. Né en 1507, j’avais alors neuf ans, et je passai trois ans auprès de cette femme sous le nom de Pasquale Ziobà, que je porte encore maintenant. Mon oncle avait jugé à propos de me laisser ainsi, à l’insu de tous, sur le territoire vénitien, pour le cas où les circonstances me rendraient, ainsi qu’aux miens, la faveur de vos seigneuries, bonne chance possible en ces temps agités. Échappant de cette façon aux lois portées contre les citoyens qui cherchent asile à l’étranger, rien ne s’opposait à ce que je recouvrasse quelque jour les domaines ravis à mon père. C’est pourquoi le bruit fut à dessein répandu que, tombé aux mains de quelques bohêmes, j’avais été emmené par eux, et c’est aussi pourquoi j’ai toujours nié que je connusse le lieu de ma naissance et les parens à qui je devais le jour. Conformément à ma déclaration précédente, je répète, ce qui est véritable, que le célèbre peintre Tiziano Vecellio, me rencontrant près de Bassano, s’intéressa tout de suite à moi, me demanda de l’accompagner à Venise, et m’instruisit dans l’art de peindre. Ici m’attendait la mésaventure qui m’a plongé dans l’abîme où je me débats présentement, et dont votre seule clémence peut me retirer, s’il plaît à Dieu.

« Il y a aujourd’hui seize mois, — c’était par conséquent au mois d’octobre 1523, — que, me promenant un jour près de San-Giuliano, je rencontrai une jeune dame richement vêtue et d’une beauté surprenante. Elle était suivie de deux femmes, dont l’une