Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/613

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il montre d’esprit et de dextérité), l’héritier actuel des Gambara. Sans lui rendre encore les biens de sa famille, attendu que les Trivulzio restent à ménager malgré tout, il pourrait être utilement employé auprès des représentans de l’empereur don Carlos, et plus tard récompensé selon ses mérites. Les recommandations ne lui manqueront pas, je vous assure, pour le quartier-général de l’armée espagnole. »

La lettre qu’on vient de lire est datée du 7 avril. Trois jours auparavant Pasquala Ziobà, — ou Gambara, si mieux l’aimez, — avait été extrait des prisons de la Quarantie et transféré sous les plombs du palais ducal. Trois inquisiteurs devant lesquels il comparut aussitôt, et qui l’interrogèrent à visage couvert selon la coutume, dressèrent un rapport, qui recommandait l’accusé à toute l’attention et à l’indulgence du conseil suprême. A partir de ce moment, il ne fallait pas s’attendre à ce que personne dans Venise osât prononcer le nom de Pasquale Ziobà ; mais il est aisé de deviner que le désappointement fut grand parmi ceux dont le début de ce bizarre et mystérieux procès avait éveillé la curiosité. Quelques-uns se hasardèrent à s’informer auprès des amis qu’ils-pouvaient avoir à Brescia, et il leur fut à peu près démontré que le jeune accusé sortirait sain et sauf de la terrible épreuve à laquelle il était soumis. La rumeur publique en cette ville était, selon les lettres reçues, que les Gambara devaient espérer une prochaine restitution des biens confisqués sur eux.


Dans les registres du conseil secret, il a été relevé, à la date du 9 avril, la mention suivante : « Séance, tenue en la petite salle du conseil. L’accusé P. G…., sur le rapport des inquisiteurs, a été amené devant les dix. On a mis en discussion s’il ne serait pas immédiatement procédé par la voie ordinaire, la preuve matérielle du meurtre étant suffisante. Après quelque débat, durant lequel l’accusé avait sans cesse les yeux fixés sur la ponte entr’ouverte devant lui du cabinet où se donne la torture, un des seigneurs conseillers, mû de pitié (en marge est écrit : ou feignant de l’être), allègue le jeune âge du prisonnier pour qu’il lui soit accordé remise de la peine forte et dure, moyennant qu’il aurait fait une confession absolue de son crime. Et, sur l’assentiment du tribunal, l’accusé jure solennellement de ne rien cacher, sollicitant aussi un délai de trois jours afin de se bien recueillir pour ne rien omettre dans le détail écrit de sa vie passée. — A laquelle requête nos seigneurs ont jugé bon de faire droit. »

Suit la copie d’un document sur la première feuille duquel, se lit cet intitulé : Caso dei. Gambareschi. — Suplicazione di Pasquale