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ZIOBA
ARCHIVES D'UNE FAMILLE VENITIENNE[1]


I

Ceci est l’exacte copie d’un rapport fait aux cinque della pace par le sbire Moroni Rocco.

A dit : « Hier 25 février 1525, je me trouvais avec mon camarade Domenico Longhi dans une des ruelles qui aboutissent à la piazza Santa Maria dei Frari. Sur le petit pont qui de cette place conduit à l’entrée du palais Zeno, un homme se tenait arrêté. Sa physionomie indiquait une certaine inquiétude, il me sembla qu’il cachait quelque chose dans les plis de son vêtement à larges manches, et je le fis remarquer à Domenico. — Voilà, lui dis-je, un individu qui médite quelque méchant coup. — Tandis que notre attention se fixait ainsi sur lui, un autre particulier, celui-ci enveloppé d’un manteau qui nous dérobait son visage, arriva rapidement par l’autre extrémité du pont. Nous ne le vîmes qu’au moment où il abordait l’homme dont j’ai précédemment parlé. Ils avaient à peine eu le temps d’échanger quatre paroles que la détonation d’une arquebuse nous fit tressaillir. Le nouveau-venu tombait au même moment comme foudroyé. L’autre, laissant aller son arme, dont la mèche continuait à brûler sur le sol, prit aussitôt sa course du côté du palais Zeno.

  1. L’auteur anonyme qui insérait naguère le récit qu’on va lire dans un des periodicals les plus en vogue, celui que dirige M. Charles Dickens, prétend l’avoir extrait d’un dossier intitulé Caso dei Gambareschi. Aussi croyons-nous devoir avertir loyalement nos lecteurs que nous nous sommes permi quelques variantes et quelques additions plus ou moins essentielles à cette chronique, peut-être apocryphe.