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qu’avaient fait en 1789 toutes les parties de la statistique par les tableaux annexés au Voyage d’Arthur Young, et qui sont presque tous empruntés à des documens officiels.

Dans son Mémoire pour diminuer le nombre des procès, publié en 1724, il demandait l’établissement d’une législation uniforme pour toute la France et dans les termes les plus propres à rendre possible l’exécution de ce grand travail. Il voulait non une refonte immédiate et générale, mais des ordonnances rendues de temps en temps, tantôt sur une matière, tantôt sur une autre, et confiait la rédaction de ces lois nouvelles à un bureau ou conseil permanent chargé de perfectionner le droit français. Cet écrit est bon à lire même aujourd’hui ; il est conçu dans l’esprit le plus sage et le plus pratique. L’auteur y entre dans des détails intéressans sur la diversité des coutumes. Il se déclare contre la vénalité des charges, réclame l’augmentation du nombre des parlemens et des présidiaux, c’est-à-dire une organisation judiciaire fort semblable à celle que nous avons aujourd’hui, et pose avec sagacité les principes d’une législation commune. « Les Normands, les Bretons, les Gascons, les Provençaux, ne sont-ils pas présentement et depuis plusieurs siècles également Français ? Ne sont-ils pas présentement une même nation ? » Parmi les applications du nouveau droit, il indique la suppression du droit d’aînesse.

Dans son Projet pour rendre les titres plus utiles au service du roi et de l’état, il ne demandait pas précisément la suppression de la noblesse, mais il se prononçait fort nettement contre les titres héréditaires. Il en voulait surtout au titre de duc, qui, selon lui, devait être personnel et à vie et porté par les seuls maréchaux. « Les généraux d’armée, disait-il, tels que sont parmi nous les maréchaux, devraient être les vrais ducs de France ; c’a été une très mauvaise politique de créer des ducs sans emploi, sans fonction de général d’armée ; ç’a été une très grande imprudence de créer des ducs héréditaires, et c’est le comble de l’injustice et de la malhabileté de donner des préséances et des distinctions honorables à la cour à des personnes qui n’ont aucun mérite distingué envers la nation, et de refuser ces distinctions à des maréchaux de France illustres, tels qu’étaient il y a quatre-vingt-dix ans le maréchal de Gassion et le maréchal de Fabert, et de notre temps le maréchal de Catinat et le maréchal de Vauban, qui n’ont jamais été ducs. » On comprend sans peine que Saint-Simon, s’il connaissait cette thèse, ait traité l’auteur avec mépris. L’abbé proposait en outre de laisser éteindre l’ordre du Saint-Esprit, qu’il appelait un établissement puéril d’Henri III, et il n’admettait, outre le titre de duc, que trente titres de comte et soixante de vicomte à distribuer entre les