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chose, la garantie pour tous nos concitoyens de tous les droits civils dont nous jouissons[1]. »

A coup sûr, ce n’est pas ici le langage d’un théoricien pur de la liberté illimitée. C’est mieux : c’est le cri du cœur d’un bon citoyen, et, si la théorie n’est pas satisfaite à ces conditions, c’est elle qui a tort, qui est bien dégoûtée et trop difficile.

Quand entendrons-nous ces mâles protestations sortir en faveur de nos institutions françaises de toutes les bouches sacerdotales ? Je l’ignore, mais le jour viendra, je l’espère. Seulement on peut assurer qu’il viendra d’autant plus tôt que ces institutions elles-mêmes seront moins occupées à se mirer dans leur propre beauté qu’à se faire apprécier par des bienfaits sensibles. Que la liberté soit parmi nous, comme en Amérique, pour tous les intérêts spirituels une garantie, au lieu d’être, comme elle a été trop souvent, un leurre, un piège et une menace. Qu’elle circule dans nos mœurs comme une réalité vivante, au lieu d’être posée sur nos murs comme une brillante affiche. N’ayons plus de libéraux qui font consister la liberté dans le monopole de l’enseignement et le despotisme de la centralisation. Que le droit commun soit chez nous, comme au-delà de l’Atlantique, véritablement commun à tous, et non pas seulement un privilège retourné par le vainqueur d’aujourd’hui contre le vaincu de la veille, et je garantis qu’aucune classe de citoyens ne restera longtemps insensible à la séduction de l’indépendance ; mais c’est un apprentissage que la liberté a encore à faire parmi nous. J’approuve fort qu’on recommande à la religion en France de recourir à la liberté comme à sa seule égide et à son seul rempart ; mais en conscience la liberté de son côté, après tant de défaillances et d’écarts, est bien tenue de lui faire aussi quelques avances. Pour les institutions comme pour les hommes, on ne décrète pas l’affection, on l’obtient. Le meilleur moyen d’être aimé, c’est encore de se rendre aimable, et pour inspirer la confiance il n’y a rien de tel que de la mériter.


ALBERT DE BROGLIE.

  1. La Primauté du siège apostolique, par M. Patrice Henrick, évêque de Philadelphie, mort archevêque de Baltimore. Philadelphie, 1845, première édit. Conclusion.