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C’est en ces termes que M. Guizot nous présente dans la préface de son nouveau volume le résumé d’un document épiscopal dernièrement publié[1] ; mais je doute que le vénérable auteur du mandement dont il s’agit se reconnût lui-même dans ce portrait. Il serait le premier à déclarer que cette riche analyse contient beaucoup plus que la matière de l’instruction pastorale la plus étendue. C’est tout le plan d’un beau livre, et ce livre, s’il voyait le jour, ressemblerait fort à celui-là même dont M. Guizot déroule devant nos yeux avec une infatigable activité le majestueux développement. Qui ne reconnaîtrait en effet dans ce dessin si net et dans ces larges touches tout l’ensemble de vues dont nous entretient la série des méditations religieuses de M. Guizot ? C’est bien là en effet le christianisme tel que M. Guizot aime à le chercher tour à tour au dedans et au-dessus de l’humanité, — en accord avec tous les besoins de notre nature, mais découlant d’une source qui nous est étrangère et supérieure, — cri du cœur de l’homme et pur don de la grâce divine. C’est bien là cette essence pure, cette substance concentrée de la foi chrétienne, telle que M. Guizot se plaît à la dégager de toutes les divisions confessionnelles, non sans lui enlever par cette opération un peu arbitraire quelque chose de son efficacité et de sa puissance. Ce sont là surtout ces pensées si vastes et pourtant si fermes, ouvrant à l’intelligence un horizon presque illimité, dont toutes les lignes demeurent nettes, et dont les contours n’ont rien de vague. C’est là cet esprit d’examen si libre dans toutes ses recherches, mais dont les conclusions empruntent le ton de l’autorité dogmatique. Tous ces traits conviennent à M. Guizot, et, à vrai dire, ne conviennent qu’à lui seul. Il est impossible de le méconnaître, parce qu’il ne serait possible à personne de l’imiter.

Et ce n’est pas seulement la supériorité du talent qui marque d’un cachet inimitable les contemplations de philosophie religieuse auxquelles M. Guizot consacre, en la renouvelant, l’intarissable fécondité de son éloquence. Les circonstances de sa noble vie, merveilleusement appropriées à son génie naturel, lui ont fait en ce genres d’études une situation qui n’a pas de semblable, presque pas d’analogue en France. Il est le seul qui puisse parler de la foi chrétienne sans paraître faire partie ni plaider la cause d’aucune communion chrétienne en particulier. M. Guizot n’est pas catholique, tout le monde le sait, et tous les catholiques le regrettent ; mais ses lecteurs seraient souvent tentés de croire qu’il n’est pas protestant davantage, sinon par le culte et la pratique, dont ils n’ont

  1. Méditations sur la religion chrétienne, par M. Guizot, t. III ; 1 vol. in-8o, Michel Lévy.