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lier, car sans cela les passions s’aigrissent, les ambitions s’enflamment, les armes s’aiguisent de toutes parts, et le gouvernement est réduit à se défendre par la force. Il y a quelques semaines, c’est à Cadix que se produisait un soulèvement qui est resté enveloppé d’un certain mystère ; il y a quelques jours à peine, c’est à Malaga que l’insurrection a éclaté, et le combat a été encore plus acharné qu’à Cadix. On dit même que la lutte aurait été assombrie par de pénibles excès commis un peu de tous les côtés. Le gouvernement est resté maître du terrain à Malaga comme à Cadix, et c’est même un fait à remarquer que l’armée ne se laisse point ébranler par les excitations auxquelles elle est naturellement exposée ; elle semble marcher au contraire à tous ces combats où on la conduit avec une animation singulière. Il est bien clair cependant que ces luttes, ces répressions, laissent dans les esprits des traces profondes. La vérité est qu’aujourd’hui plus que jamais les camps se dessinent, les partis se divisent et entrent en lutte. Les républicains viennent de publier un nouveau manifeste où ils déclarent ouvertement la guerre au gouvernement actuel, et le gouvernement à son tour a publié une proclamation où il se prononce plus nettement encore que par le passé pour la monarchie. C’est donc dans ces conditions qu’on marche au scrutin, qui s’ouvre en ce moment même au-delà des Pyrénées pour l’élection des cortès constituantes. Malgré l’agitation passionnée qu’entretient le parti républicain, et même malgré les progrès réels qu’il a faits depuis quatre mois à la faveur de l’incertitude universelle, la monarchie a certainement toute chance de sortir de ce scrutin populaire et d’être de nouveau sanctionnée par l’assemblée constituante, comme elle est déjà adoptée par le gouvernement issu de la révolution. Seulement ici revient l’éternelle question : quel sera le roi ? On dit aujourd’hui qu’une combinaison nouvelle vient s’ajouter à toutes les autres et prendrait le dessus : ce serait le fils aîné du duc de Montpensier qui serait choisi comme roi sous la régence de son père. De toute façon, c’est du moins le provisoire qui va finir, et l’Espagne pourra peut-être respirer sous un régime définitif de liberté régulière qu’elle aura certes acheté assez cher par toutes les révolutions qu’elle a traversées depuis trente ans.

L’Italie, pour ses étrennes, vient de se réveiller dans une de ces crises auxquelles il est bien difficile d’échapper après une révolution où s’est accomplie en quelques années l’œuvre de plusieurs siècles. Elle est arrivée à ce moment qui est toujours le plus maussade en même temps que le plus inévitable de la vie d’un pays, et qu’on nomme vulgairement le quart d’heure de Rabelais, le moment où il faut payer. L’Italie a voulu et très légitimement voulu être une grande nation, avoir une armée, construire des chemins de fer : c’est le beau côté de son affaire pendant ces dix dernières années. Le revers de la médaille, c’est la nécessité de nouveaux impôts, si on ne voulait, de déficit en déficit, aller tomber dans