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que soient les chances de paix, la diplomatie n’est pas à l’abri des déceptions, et tout ce qu’on peut désirer de mieux, c’est un dénoùment provisoire, comme sont au reste tant de dénoûmens dans la politique et dans le monde, où rien ne finit, où tout recommence sans cesse.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’au moment même où la conférence est occupée à défendre la paix, son œuvre patiente et laborieuse a pour accompagnement au loin, en Allemagne, les plus violentes polémiques. Le différend gréco-turc est le prétexte ; la réalité, c’est l’antagonisme implacable de la Prusse et de l’Autriche. Non, décidément les paroles que M. de Bismarck lançait, il y a quelques semaines, dans le parlement prussien à l’adresse de M. de Beust n’annonçaient point la paix entre les deux comtes allemands. — Depuis quelques jours, une charge à fond est exécutée par la presse berlinoise, même par les organes officieux du gouvernement, contre le chancelier de l’empereur François-Joseph. On épluche sa diplomatie, ses dépêches du livre rouge, on l’accuse d’avoir travaillé aux troubles d’Orient, de menacer sans raison la Roumanie, d’agiter l’Europe pour chercher l’occasion d’une revanche, et peu s’en faut qu’on ne menace de dégainer l’épée de Sadowa, si l’empereur ne congédie pas au plus vite M. de Beust, qui compromet l’Autriche aujourd’hui après avoir compromis la Saxe il y a trois ans. Cette campagne n’ira pas bien loin pour le moment sans doute, elle n’est pas moins singulière. Que l’Autriche se soit employée à réveiller la question d’Orient et à pousser la Turquie contre la Grèce, c’est une de ces hypothèses qui peuvent alimenter les polémiques prussiennes sans avoir rien de plausible. Si néanmoins, dans ses dépêches, M. de Beust s’est montré un peu vif contre le gouvernement roumain et particulièrement contre M. Bratiano, qui était alors le chef du ministère, en vérité M. Bratiano lui-même vient de prendre le soin de justifier les préoccupations du chancelier d’Autriche. M. Bratiano, dans une récente reunion publique à Bucharest, a parlé de façon à confirmer tout ce qu’on pouvait présumer de ses dispositions, de ses connivences secrètes. Il a sans façon avoué ses animosités contre l’Autriche, ses affinités avec la Russie ; il s’est posé en agent de la propagande panslaviste et orthodoxe. Et si on remarque que M. Bratiano, quoique tombé du pouvoir, garde encore une assez grande influence dans les chambres, qu’il domine même jusqu’à un certain point le cabinet qui lui a succédé, il est bien clair que de ce côté de l’Orient aussi tout n’est pas fini, et que l’Autriche avait quelque raison de s’émouvoir.

Chaque pays aujourd’hui a sa tâche laborieuse, même indépendamment de ces grandes questions qui intéressent tout le monde, et l’Espagne assurément s’est fait depuis quelque temps une destinée plus difficile que celle de tous les autres pays. Il y a quatre mois déjà que l’Espagne vit en pleine révolution, et il devient chaque jour plus urgent pour elle d’en finir, d’arriver à se constituer, à se donner un gouvernement régu-