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et se contenta de faire brûler ce jour même, sur la place Notre-Dame, les livres et les codicilles saisis et censurés.


II.

Voici donc l’accusé devant le grand-conseil. Les intentions du roi étant suffisamment déclarées, le grand-conseil n’avait pas à délibérer longtemps. Les pièces portées au chancelier Duprat par le conseiller Verjus sont immédiatement vérifiées. Bientôt après, mandé lui-même devant le chancelier, qui présidait le conseil en l’absence du roi, Berquin reçoit de lui quelques réprimandes. — En écrivant avec trop de liberté sur divers articles de la croyance religieuse, il avait offensé l’église ; il devait le regretter et témoigner ce regret. Tel fut l’accommodement proposé. Étant non plus en la présence d’ennemis conjurés, mais d’un chancelier d’humeur facile, très politique, et, malgré sa robe, très peu dévot, Berquin manifesta sans hésiter, en homme de bonne compagnie, un regret sollicité de cette manière, et fut rendu sur-le-champ à la liberté. Nous le voyons ensuite quitter Paris et se rendre dans ses terres, en Picardie.

Cependant la Sorbonne et le parlement s’obstinent à continuer la persécution. Le parlement, qui de son chef s’intitule « conservateur des saints décrets et conciles sous l’autorité du roi, » poursuit à outrance malgré le roi. Par les ordres du parlement, le 12 août, le son de la trompe se fait entendre dans tous les carrefours de Paris, et la voix redoutée des crieurs avertit clercs et laïques qu’ils devront, dans le délai de trois jours, déposer au greffe du palais tous les livres de Luther qu’ils possèdent. Les laïques qui n’auront pas tenu compte de cet avertissement verront leurs biens confisqués ; les clercs seront privés de leur temporel et bannis[1]. Le clergé, qui occupe tant de sièges dans le parlement, y fait voter tout ce qu’il juge utile à sa cause. C’est lui qui en ce moment décrète la terreur.

Bientôt, au nord et au midi, à l’orient et à l’occident, les frontières de la France sont envahies par des armées étrangères, et le parlement, toujours avide d’accroître son autorité, va s’imposer à la régente, en l’absence du roi, comme conseil de gouvernement. Il a donc à délibérer chaque jour, matin et soir, sur d’autres affaires que celles de l’église. S’étant prescrit ce devoir, il n’y manque pas : il veut tout régler, tout ordonner, non-seulement les levées de subsides, mais encore les envois de troupes et d’armes. Quand

  1. D’Argentré, Collectio judiciorum, t. II, part, 2, p. 406.