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dition d’un mariage antérieur. Quant au Saint-Esprit, n’a-t-il pas été pour Marie un époux céleste dans le mystère de l’incarnation? Le mariage est donc justifié par le dogme de la Trinité comme il est fondé sur la nature humaine telle qu’elle est sortie des mains de Dieu. Avant Milton, Cats a chanté les ravissemens d’Adam et d’Eve dans le paradis terrestre, et, malgré quelques longueurs, ce fragment de ses œuvres compte parmi les plus gracieux et les plus poétiques. La surprise joyeuse du premier homme en découvrant sa compagne, la timidité peu à peu rassurée de celle-ci, les doux noms qu’Adam lui donne et qui, après quelques momens de silence et d’hésitation, lui sont rendus, le récit qu’il lui fait de la mélancolie qui attristait son âme quand, parcourant le beau domaine que le Créateur lui avait donné, il voyait tous les êtres vivans chercher et trouver leurs semblables, et que lui restait toujours seul dans toute la nature, la promenade à travers le magnifique jardin dont Adam, avec son expérience déjà riche, fait les honneurs à l’innocente créature, les. hommages rendus par toute la création vivante à sa nouvelle souveraine, tout cela est senti avec une vivacité, décrit avec une vérité qui émeuvent. Seulement là encore le brave Cats n’est pas toujours très réservé dans le choix de ses expressions, ou plutôt la parfaite chasteté de ses intentions le trahit parfois en ne le mettant pas assez en garde contre certains écueils. Il est vrai que de son temps on n’avait pas nos effarouchemens. C’est ainsi qu’il a mis en vers le cantique des cantiques, dans lequel, en pieux orthodoxe, il n’a pu voir que la description des fiançailles du Christ et de l’église. C’est encore pour lui une preuve éclatante de la sainteté du lien conjugal; mais cela ne l’empêche pas de mettre un duo qu’il consacre ailleurs à ce thème, à la fois mystique et galant, sur l’air d’une ariette italienne alors en vogue Amarylli, mia bella[1]. Des poèmes entiers sont employés à décrire les mariages les plus célèbres dont la Bible et l’histoire fassent mention, depuis ceux des patriarches jusqu’aux amours moins primitifs d’Antoine et de Cléopâtre, d’Éginhard et d’Emma, fille de Charlemagne, d’Héloïse et d’Abélard, et même il a versifié cette étrange histoire, enregistrée dans les Causes célèbres, de la femme victime d’une incompréhensible ressemblance, et qui vécut nombre d’années avec un homme qu’elle croyait son mari, jusqu’au moment où le vrai mari revint et eut toutes les peines du monde à établir son identité. On ne peut se faire une idée de tous les enseignemens

  1. Comme d’autres poètes de son temps, Cats ne craint nullement d’associer des sujets religieux à des airs mondains. Il a fait un cantique de repentance sur l’air d’une romance qui commence par Jamais une dame si belle, et un chant de la vanité des choses terrestres sur un autre air de romance : O divine beauté.