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enlève la peau, fait remarquer à la suivante que les meilleures poires sont celles qui ne font pas de bruit sous le couteau, ce qui lui inspire ce charmant dicton italien : Pere et donne senza rumori sono stimate gli megliori, poires et dames sans bruit sont estimées les meilleures, et cela ouvre le défilé d’un bataillon de sentences parmi lesquelles nous remarquons en espagnol : Muger placera dise de todos y todos della, femme coureuse parle de tous et tous d’elle ; en latin : Quæ bene latuit bene vixit, qui s’est bien cachée a bien vécu, et en vieux français : Fille trop veüe n’est cher tenüe. Cette diversité des langues employées par un auteur populaire, chez qui du reste le néerlandais domine sans comparaison possible, étonnerait dans un autre pays ; mais depuis longtemps en Hollande l’exiguïté du territoire, les nécessités du commerce et de la politique ont familiarisé une grande partie de la population avec les langues étrangères. Du temps de Cats, le latin était encore d’un usage très fréquent entre personnes de nationalité différente. C’est lui qui a résumé en français cet abrégé des choses nécessaires au voyageur :

Avec florin, cheval et latin,
Tu trouves partout ton chemin[1].

S’il est un sujet sur lequel Cats ne tarit pas, c’est le mariage. Il lui consacre des traités tout entiers et je ne sais combien de gravures. C’est pour lui l’essence de la vie humaine. Il remarque avec une grande satisfaction que non-seulement les patriarches, les prophètes, les prêtres juifs et les apôtres nous ont donné l’exemple du mariage, mais encore que Dieu dans la Trinité a assigné à la première personne le titre de Père, à la seconde celui de Fils, deux noms, dit-il, que personne parmi nous ne peut porter qu’à la con-

  1. Parmi les détails curieux qu’on peut relever sur les nombreuses gravures que Cats fit composer pour ses œuvres, il faut mentionner une guillotine qui se trouve bel et bien dessinée dans un de ses poèmes (Dood-Kiste, 37). Lui-même la décrit comme un instrument inventé jadis pour faire passer l’homme en un clin d’œil de vie à trépas. Il est de fait que dès le XVIe siècle on exécutait à Gènes avec une machine qui ne différait de celle qui est employée en France depuis la révolution que par un appareil moins raffiné. C’est d’elle qu’on se servit pour décapiter le duc de Montmorency à Toulouse en 1632. D’après le dessin de Cats, l’instrument se composait d’une sorte de banc plein devant lequel le condamné s’agenouillait, les mains liées derrière le dos, tandis qu’un exécuteur lui tirait la tête en avant par les cheveux ou les oreilles. Au-dessus s’élevait un large chambranle de bois le long duquel glissait une énorme hache maintenue par deux rainures dans la direction verticale. C’est au travers de la poutre unissant les deux montans parallèles que passait le fil fatal. Le bourreau le tranchait par-dessus. Cats observe que ce supplice, malgré la brièveté de la souffrance, glace d’effroi les spectateurs, et que cependant chacun de nous est menacé de cent accidens qui peuvent à chaque instant l’envoyer aussi promptement dans l’autre monde.