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lement qu’on le touche, — bouillonne comme s’il était sur des charbons ardens. — Petite cervelle, prompte querelle! »


Il résulte donc cette maxime d’une sagesse toute hollandaise que la disposition à s’irriter vite est la marque d’un petit esprit, et je laisse à deviner les nombreuses leçons que peut en tirer l’expérience maternelle quand elle explique à la jeunesse les Sinne-beelden de vader Cats.

Telle est la méthode la plus fréquente du moraliste zélandais. D’abord une image avec un titre à tournure proverbiale; au-dessous, l’explication en vers néerlandais, puis des sentences en rapport avec le sujet empruntées aux anciens et aux modernes, écrites dans toutes les langues, accompagnées de commentaires ou d’autres sentences explicatives. Parfois il se lance dans la poésie française, et, quoique souvent incorrect, il sait donner un tour ingénieux à ses quatrains sentencieux. Voyez-vous, au beau milieu d’un jardin superbe, une ratière où vient d’entrer un rat coureur d’aventures? Il va mordre à l’appât sans se douter que la porte va retomber derrière lui et qu’il sera pris. Cela est intitulé Fit spolians spolium, celui qui prend est pris, et voici, au milieu de vers et de maximes hollandaises et latines, ce que cela veut dire en français:

Qui chasse au parc d’amour a bien dessein de prendre,
Mais, las! va prisonnier, sans y penser, se rendre.
En prenant les appâts, se prennent les souris.
Voicy la chasse, amy, où le veneur est pris.


En prenant surpris, ajoute-t-il à l’adresse des amours imprudentes, et je serais bien étonné si dans ce sinne-beeld-là il n’y avait pas quelque réminiscence d’Orléans.

On se fait difficilement une idée, à moins de parcourir soi-même le gros in-folio, de l’inépuisable abondance du vieux moraliste. Tout lui est matière, emblème, symbole. Il peut dire comme La Fontaine que tout lui parle dans l’univers, que la vie est une ample comédie aux cent actes divers. « Jamais laides amours, » ce qui est prouvé par l’image d’une guenon admirant son petit singe, et accompagné d’observations en trois langues aboutissant, comme il arrive souvent chez le pieux auteur, à une leçon sur l’amour du prochain, lequel amour, s’il est réel, doit ignorer les défauts de ceux qui en sont l’objet. Voici ailleurs un poissonnier qui geint, s’étant piqué aux arêtes d’une vive, tandis qu’une poissarde se moque de lui et manie sans sourciller un poisson de même espèce, preuve que tout dépend de la manière de prendre les choses. Plus loin, ce sont des singes qui dansent en rond très gen-