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le moyen âge. La religion, qui seule lui apporte quelques rayons d’un idéal élevé, lui vient elle-même du midi. Depuis trois siècles, c’est autre chose. Victorieux de son rude climat par le comfort, se procurant par le commerce les produits les plus lointains, l’homme du nord ne désire plus s’établir dans les pays chauds. Sauf leur beau ciel, que lui donneraient-ils qu’il n’ait déjà? Et son activité continuelle, n’ayant pas à redouter les molles langueurs du midi, a déplacé le centre de gravité de la civilisation qui, dans l’Europe en général, au sein de chaque nationalité, s’est transporté au nord, et semble s’y être définitivement fixé. N’allons pas toutefois nous imaginer que le bonhomme Cats aborde souvent ces vastes considérations, qui rentrent dans la philosophie de l’histoire. Nous remarquons dans ses œuvres, nous lecteurs du XIXe siècle, bien des choses qui le rendent intéressant sans qu’il s’en doute. Pour le rencontrer sur le terrain où il a pleinement conscience d’être chez lui, il faut surtout l’étudier dans ses enseignemens de morale pratique. Sa méthode est assez originale pour que nous l’indiquions avec quelque détail.

Voici, par exemple, une gravure emblématique. Dans une cuisine hollandaise bien propre et bien rangée, une jeune dame et sa servante, toutes les deux fort engageantes, philosophent à leur façon devant une vaste cheminée où brûle un grand feu. Deux vases de grandeur inégale renferment de l’eau qu’il s’agit de faire bouillir. Le grand vase est sur les charbons, dans la flamme, et ne donne encore aucun signe d’ébullition; le plus petit, qui est seulement posé devant le feu, fait déjà un terrible vacarme. La scène a pour titre A little pot is soon hot, proverbe anglais que nous pouvons traduire par ces mots : A petit pot grand feu ne faut. Où se trouve, dira-t-on, l’enseignement moral? C’est ce que la jeune dame nous dit avec son fin sourire et la complète approbation de sa servante, et comme si le petit vase, qu’elle montre du doigt, la faisait penser à quelqu’un de sa connaissance :


« Celui qui est dans la flamme, — et qui pourtant ne laisse rien échapper de ce qu’il contient, — c’est un grand et puissant vase — qui contient une eau profonde et froide, — qui n’est pas vite mise en mouvement, — ni promptement soulevée par la chaleur. — Mais ce pot de petite contenance, — qui ne renferme pas grand’ chose, — à l’instant même il est agité — dès que seulement le feu l’a touché. — Maintenant, ami, écoute un peu ce que cela veut dire. — Quand un noble cœur est provoqué, — qu’on cherche à l’agacer de ci et de là, — il ne s’émeut pas promptement, — ne s’abandonne pas vite à la colère. — Il examine froidement ce qu’on lui fait. — L’homme de petit esprit, — dès seu-