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les nombreux corsaires qui venaient vendre sur le marché de cette ville les prises faites aux dépens de la marine espagnole, et qui s’entendaient rarement avec les armateurs ou même entre eux sur la juste répartition des bénéfices. Il eut aussi de lucratives relations d’allaires avec la maison Moucheron, fondée par des négocians de Normandie réfugiés en Zélande pour cause de religion, et qui faisait un commerce colossal. De nouveau il se vit féru d’amour par les beaux yeux d’une demoiselle qu’il avait rencontrée à l’église française. Aussitôt il lui fit la cour, mais bientôt il apprit que le père de la jeune fille avait fait une banqueroute honteuse, et qu’il perdrait son bon renom en s’alliant à sa famille. Cats fut très affligé de la découverte ; néanmoins, toujours prudent, il étouffa sa passion naissante. Enfin en 1602 il épousa une demoiselle de Valkenburg avec laquelle il vécut fort heureux. Cinq enfans, dont trois fils morts en bas âge, naquirent de ce mariage. Ses deux filles entrèrent ensuite par mariage, l’une dans la famille van Aerssen, dont les descendans existent encore à Zwolle, l’autre dans cette famille Musch dont J. van Lennep a raconté la tragique destinée dans un de ses meilleurs romans. En mourant, J. Cats se vit entouré de quatorze petits-enfans.

Cats, que ses goûts prédestinaient à jouir beaucoup du bien-être intérieur et du calme de la vie de famille, se retira peu à peu du barreau. En 1609 fut conclue la grande trêve de douze ans entre l’Espagne et les provinces. Il entreprit alors avec son frère le dessèchement de plusieurs polders situés dans les environs de Bervliet et qui depuis trente ans avaient dû rester sous l’eau pour la défense du pays insurgé. Ce fut une excellente affaire qui plut à la fois à l’amateur des beautés champêtres et au propriétaire désireux d’augmenter sa fortune.


« J’étais bien joyeux quand fleurissaient les colzas — ou lorsque les orges montaient en grosses touffes, — et c’était beau à voir quand les sacs de blé — s’étageaient tout remplis de grains magnifiques. — La terre longtemps inerte rendait des fruits superbes, — au point que maintes fois les greniers fléchirent. — Une seule moisson, récompense d’une seule culture, — a souvent payé tout ce que coûtait la terre. »


Voilà bien le mélange de prose et de poésie qui fera de Cats un poète moraliste et pratique avant tout. Le temps que lui laissaient ses occupations agricoles, il le passait près de sa femme et de ses enfans, à Grypskerk, non loin de Middelbourg, dans une maison de campagne cachée au milieu des arbres et des fleurs. C’est là qu’il composa ses premiers grands ouvrages : mblêmes de sagesse et d’amour (Sinue en Minne-beelden), — Galathée, pastorale : — le