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Mme de Maintenon y suivit la dauphine et y parut aux yeux du roi en un si grand deuil, avec un air si affligé, que lui, dont la douleur était passée, ne put s’empêcher de lui en faire quelques plaisanteries. Ceux qui l’approchaient la virent alors extrêmement agitée, souvent en pleurs ou bien en conversation secrète avec son habituelle confidente. Mme de Montchevreuil ; puis tout à coup le calme revint et même la joie. Ce changement fut assez visible pour que Mme de Caylus, encore enfant, le remarquât. Le 7 août, Mme de Maintenon engage son frère d’Aubigné à ne pas venir à Versailles ; la raison qui l’empêcherait de la voir est si utile et si glorieuse qu’il n’en doit avoir que de la joie. Il peut du reste ne se pas contraindre désormais sur la dépense. Le 12 du même mois, elle écrit à Mme de Brinon : « Je vous prie de ne vous point lasser de faire prier pour le roi ; il a plus besoin de grâce que jamais pour soutenir un état contraire à ses inclinations et à ses habitudes. » Vers le même temps, elle l’entretient de « la nouvelle scène qui réveille tout le monde. » On lui a mandé quelque chose du bruit public à ce sujet. « Il n’y a sur cela qu’à prier Dieu, qui saura bien faire ce qui sera le meilleur. Je serai toujours bien aise de savoir ce que vous entendrez dire sur cette matière-là. — Il n’y a rien à répondre sur l’article de Louis et Françoise, ce sont des folies. » Ceci est du 22 août ; il est probable que le mariage était déjà décidé, moins d’un mois après la mort de la reine. Le 20 septembre, une lettre au confesseur, l’abbé Gobelin, témoigne des agitations par où l’on vient de passer et du bonheur qui les a remplacées. Tout cela rend fort acceptable la date fixée par Saint-Simon pour la célébration du mariage, fin de 1683 ou tout au plus commencement de 1684.

Mme de Maintenon, presque reine, abusa-t-elle de son pouvoir ? Quelle fut décidément sa part dans l’acte funeste de la révocation de l’édit de Nantes ? La Beaumelle savait bien que ce problème préoccupait l’esprit public ; les pamphlets de Hollande ne tarissaient pas d’invectives et de calomnies à ce sujet. Cependant il ne trouvait dans les parties de la correspondance qu’il avait entre les mains aucune indication antérieure à 1685. Il se garda bien de laisser subsister de telles lacunes ; seulement, en homme habile et qui ne forçait pas les choses, il ne fit parler Mme de Maintenon qu’à demi-mot. De la sorte, sans trop s’éloigner de la vraisemblance historique, il satisfaisait en quelque mesure et piquait d’autant plus la curiosité. Dès 1679, il fait écrire par Mme de Maintenon ces lignes : « Le roi pense sérieusement à la conversion des hérétiques, et dans peu on y travaillera tout de bon. » Il était habile de placer de telles paroles dès avant le commencement de toute faveur. En 1681 : « Le roi commence à penser sérieusement à son salut et à